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LA COLLINE AUX CIGALES
9 janvier 2010

Persistance.

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Mes yeux peuplés d’images, ma vie établie dans un lieu déterminé du destin, mon émotion déliquescente dans le rassemblement, dans le lien des formes et des sens, dans la ligature intangible des corruptions soumises aux désirs infinis… 

De sorte que l’instant soit séparé du temps par l’accolade d’une sensation ouverte aux frissons. De sorte que l’exil soit une voyage, une navette dans la continuité et le prolongement de la quête inaboutie. Tel un hors de soi repoussant les limites et les frontières jusqu’aux marches de l’illusion féconde et des songes inavoués. Tel un mouvement à la poursuite d’un temps mort où se cachent tous les matins du monde.

Dans la vapeur du silence l’émulsion se fait sans bruit… gloutonnent les plaies, grésillent les failles, clapotent les murmures des tremblements qui nous parviennent par l’émission d’ondes intelligibles et immaîtrisables.

Le vacarme du vide rayonne comme un soleil de feu. L’à-propos résiduel nous surplombe. Brûle la résine du bois à l’incandescence du pourparler. Les mots sont chauds lorsqu’il s’agit d’interpréter la limaille rougie qui remonte à la surface. Nos lèvres brûlent, nos langues fourchent sur les braises, nos gorges sont des orifices, des conduits de cheminée, des grottes par lesquelles vient se livrer le récit des écritures maternelles, charnelles.

Chaque conte est une hypothèse. D’ailleurs, il était une fois la vie sur le prépuce du jour où s’accomplit vaille que vaille l’usure des griefs qui s’épongent comme des non-dits transportent le retardement des éclosions inattendues. D’ailleurs, les vagues ne soulèvent pas seulement l’écume, d’ailleurs la vie n’est pas qu’une mort ressuscitée, d’ailleurs te dire n’est pas qu’une racine déterrée au fin fond de mes jardins. La matrice est dans ce bain d’illimités. L’effluve mère absorbe autant qu’elle régurgite métamorphosée la flamme devenue couteau à dépecer l’ornière des méandres qui nous ensevelissent.

Ce qui est programmé se déprogramme inéluctablement au gré de nos tourbillons, de nos rixes avec le volatile des nos humeurs et de nos décadences à vouloir essorer la mer de nos désordres. Il y a aussi les erreurs et les urgences, les plaidoiries ingouvernables des répulsions naturelles, des enthousiasmes vainqueurs des scepticismes, des effrois malingres qui rigidifient nos esprits et nos corps d’une seule contraction en une larme d’agonie. Agonie comme décomposition, comme déclin et détresse.

Il y a le surgissement, dans la brusquerie ; celui qui rappelle si besoin était, que l’amour prolifère dans l’espoir. Que la banalité frise avec l’éblouissement, que l’écriture révèle comme l’entendu qui n’a pas d’autres voix, pas d’autres possibles que cette saveur parfois indigeste du hasard inscrit dans les empreintes de ce qui a souffert pour savoir nous dire l’exultation qui nous échappe. On reste là assis devant l’inépuisable.

Si nos enfances trébuchent dans le face-à-face, si nos comédies s’offrent au spectacle de nos propres tourments et si nous avançons à l’aveugle vers nos consentis les plus vraisemblables, alors, peut-être, nous nous inscrirons dans une attente qui ressemble au visage que nos instincts ont vus comme des ombres chinoises parodiant l’indissoluble d’une condition prisonnière qu’être est une rémanence inconditionnelle de la pudeur que la vie exprime lorsqu’elle est le seul dessin de notre artisanat à nous concevoir.

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B
L’essence et l’existence sont au fond de la philosophie. En effet, dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, André Lalande définit l’essence comme ce qui forme le « fond de l’être ». D’autre part, l’existence est entendue comme « ce qui fait qu’une chose est ». Essence et existence ont donc en commun de se rapporter à l’être. Or, pour Aristote, la « philosophie première » est la « science de l’être en tant qu’être », en ce sens identique à l’ontologie, puisqu’elle est la science de l’être en général. Ainsi, penser l’essence et l’existence, c’est penser l’être.<br /> Mais le langage lui-même met en avant la difficulté à penser l’être. En effet, on peut supposer que pour savoir ce qu’est l’être, on va se demander « qu’est-ce que c’est ? », et, sous cet aspect, en déterminer sa quiddité. On admet donc ici que l’être est sa quiddité. Mais alors, pourquoi avoir distingué auparavant –ce qui fait que l’être est, sans quoi il ne serait pas-, de l’existence –le fait d’être-, puisque les deux semblent coïncider ? C’est que l’essence n’a pas, en réalité, tout dit de l’être. En effet, si je dis « je suis un homme » en affirmant l’identité d’être et d’homme, alors le langage devient une nécessaire tautologie. C’est pourquoi, Platon, dans le Parménide, soutient que les propositions attributives ne sont pas l’affirmation de l’identité entre l’objet et le prédicat, mais l’expression d’une participation du sujet à l’idée exprimée par le prédicat. L’essence semble donc ne pas pouvoir participer de la philosophie première, puisqu’elle manque nécessairement l’être. Or, si l’essence est un ensemble de caractéristiques communes à des entités, elle est alors le fondement du langage, ce qui souligne sa nécessité. Ainsi, je ne peux apparemment pas cerner l’être : à chaque fois que je pense l’existence, je pressens qu’elle n’est pas que « ça », et en même temps, je sais qu’il me faut penser pour connaître. Déterminer le sens de l’essence et de l’existence me fait peur car cela me met moi-même en jeu. <br /> Ainsi, l’essence permet-elle de penser l’existence ? Si l’existence est hors du champ de la pensée, a-t-elle un sens sans les essences ? Car, au fond, exister sans le savoir est à peu près la même chose que de na pas exister, mais avoir l’être, c’est le transformer en pure « chose ». C’est pourquoi il faudra peut-être reconnaître que l’enjeu de l’existence est la valeur de l’homme, et qu’elle dépend des essences.<br /> <br /> Il n’est pas possible de concevoir un couteau sans lame ni manche : en lui retirant son essence, on lui retire la possibilité de son existence. Par contre, quel que soit la réalisation effective de l’essence du couteau, cette dernière existe toujours. Platon, dans La république, se sert de l’exemple du lit pour montrer en quoi les existants constituent l’altération des essences. Dieu a conçu l’idée du lit, l’artisan, lui, « essentialise » des morceaux de bois pour en faire un lit, ayant à l’esprit la norme du lit de Dieu. C’est pourquoi les objets mondains sont moins que les essences qui, elles seules, ne s’altèrent pas. Ainsi, pour Platon, l’essence, qui est identifiée à l’Idée ou aux Formes intelligibles, désigne ce qui a pleine réalité. Essence et existence sont donc identifiés, et l’être se définit par écart à l’existence.<br /> Dans ces conditions, seul Dieu existe, car lui seul peut dire « je suis celui qui est ». En effet, le langage, lorsqu’il désigne, est le signe d’une certaine dégradation : si je suis quelque chose, c’est que je n’en suis pas une autre. Au contraire, on ne peut pas dire de Dieu autre chose qu’il « est », car il n’est pas possible de penser qu’il ne soit pas quelque chose, en raison de sa nécessaire perfection. C’est donc la pure nature de Dieu qui implique sa pure existence. De cette façon, Descartes, dans la Vème méditation donne la preuve de l’existence de Dieu : « l’existence ne peut non plus être séparée de l’existence de Dieu. » Par suite, il est impossible de « concevoir un Dieu auquel manque quelque perfection ». Il pose donc l’essence comme la réalité, et c’est à partir de la pensée et non de son objet (les choses), que l’on peut déduire l’existence. L’essence ne permettrait donc pas de penser l’existence, mais en serait la cause, ce qui permettrait d’affirmer que la présence effective des objets dans le monde est seconde par rapport à l’essence, de même que l’existence serait consubstantielle de l’essence.<br /> Alors, si l’existence est une perfection, cela signifie que tout ce qui ne se résorbe pas dans l’essence n’a pas de réalité. Peut être est-ce à dire que cet écart n’est pas digne d’intérêt, n’est pas assez noble pour être l’objet de la connaissance. Mais Descartes fait coïncider ce qu’est une chose avec ce qu’elle est. Or, dans le monde sensible, les objets sont accidentels, contingents. En affirmant le primat de l’essence, tant au niveau de son surgissement que de sa valeur sur l’ « être là » des choses, on refuse de penser l’être dans sa complétude. Mais le problème de l’être ne peut pas se résoudre de la même façon que celui de l’essence : si on admet que l’essence existe, il faut reconnaître que l’être « est là », contrairement à l’essence. Car, au fond, le propre de la substance est d’être une partie de ce qui est là. Qu’une essence soit réalisée ou non, cela n’altère pas le concept, car l’idée n’est pas autre selon sa réalisation. Même si tous les couteaux sont différents, il n’en reste pas moins que pour faire un couteau, il faut une lame et un manche. C’est pourquoi l’existence n’est pas un concept, mais le simple fait d’ « être là ». Dire que quelque chose existe, ce n’est pas enrichir l’idée de cette chose, mais mettre en relation cette idée, mais la mettre en relation avec quelque chose qui n’est pas une idée, l’existence. Et c’est ce quelque chose qu’il est difficile de définir, car contrairement à l’essence, il n’est pas un possible, mais ce qui existe. La science, disait Aristote, commence par l’étonnement. A trop vouloir savoir ce que l’on est, on ne s’étonne même plus d’être. A cet égard, Pascal a écrit : « Je m’effraie, je m’étonne d’être ici plutôt que là, car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. » Or c’est bien cet « être là », cette mystérieuse existence qui est ce sans quoi rien ne saurait être donné à penser, le point de départ de toute pensée. Et si l’existence effraie Pascal, c’est précisément que sans elle, il ne pourrait pas penser, mais qu’elle n’a « point de raison », qu’elle échappe à la rationalité. C’est pourquoi, Kierkegaard a pu dire que : « En ce qui est des concepts existentiels, le désir d’éviter les définitions est une preuve de tact. »<br /> Ainsi, les définitions, paraissent inappropriées à l’existence : elle voudraient définir l’indéfinissable, c’est-à-dire ce qui n’est pas essentiel, ce qui n’est pas un ensemble constant de propriétés. C’est pourquoi l’existence ne se prouve pas, mais, à la limite, s’éprouve. En effet, l’exemple du couteau auquel on retirait son essence est bien différent du cas de la nature. Le couteau a effectivement été conçu par l’esprit avant d’exister. Par contre, la nature n’est pas le produit d’une conception de l’esprit, et ce même en admettant l’existence de Dieu, puisque Dieu est la nature pour Spinoza. Mais le cas de l’homme est particulier dans la nature car il est le seul être a avoir conscience d’être là.<br /> Que peut-on savoir de l’existence sinon que nous l’avons et qu’elle est le point de départ de toute pensée ? C’est en effet la spécificité de l’esprit humain que de conférer à toute existence un statut discursif qui unifie les choses en les rattachant aux codes préétablis d’un langage sans lequel il n’y aurait pas de savoir. En se donnant pour but l’élaboration d’une connaissance du réel –ou, dit autrement, la construction d’un réel objectif- par le biais d’un langage déterminé, toute science admet qu’elle laisse une partie du monde hors de son approche. La vie du monde que connaît chaque être, son existence, ne peut nécessairement pas être pensée. Pour cette raison, Karl Jaspers soutient l’idée selon laquelle « l’existence n’est pas un concept, mais un index qui désigne un au-delà par rapport à toute objectivité ».<br /> Le fait d’être est donc la limite de toute pensée, ce qui lui échappe et en est l’origine. L’existence est donc un inconnaissable : c’est la distance qui sépare le réel construit par l’objectivation du rationnelle du monde par l’homme de « la vie », celle que l’existence fait éprouver à l’homme. En ce sens, l’existence est la condition de l’humilité humaine : l’inconnu le dépasse déjà, mais l’inconnaissable, cause de sa connaissance, lui interdit de cerner ou même d’approcher la vérité secrète de toute chose. On ne peut pas dire ce qui est, la vérité du monde, car, comme l’écrit Wittgenstein, les limites du langage signifient les limites de notre propre monde, celui du connu et de l’inconnu, c'est-à-dire du connaissable car du « pensable » par l’homme. Pour cette raison il est plus facile de décider du réel que de se soumettre à la réalité, et l’épreuve de l’existence est déstabilisante : elle fait admettre que la raison ne dit pas « tu dois », mais qu’elle est un mode de vie du sujet pensant qui décide de s’en servir de guide. A cet égard, Kierkegaard, dans son Post-criptum aux miettes philosophiques met en avant que l’homme peut toujours connaître des objets, il ne les vivra pas plus. Pour lui, « La science se détourne toujours plus des impressions premières de l’existence ; il n’y rien à éprouver, rien à ressentir, tout est prêt et la spéculation n’a plus désormais qu’à cataloguer, ordonner, classer méthodiquement les divers degrés de la pensée ; on n’aime pas, on n’agit pas, on ne croit pas, mais on sait ce qu’est l’amour, ce qu’est la loi, ce qu’est la foi. » Or, pour Sartre, l’homme n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est rien d’autre que ses actes, sa vie.<br /> <br /> Ainsi, l’existence n’est pas objet de connaissance. Et pourtant, c’est bien ce qui fait qu’une chose est. Est-ce à dire que la connaissance, dont l’essence constitue la réalité n’a rien à voir avec l’être, qu’il est son pur produit qui laisse l’homme absolument seul face à sa nécessité de se réaliser ?<br /> Au fond, Kierkegaard critique la façon de se rapporter à la science comme de bons petits soldats de la raison. Il dénonce le fait que nous livrions toute notre puissance d’être au pouvoir de la raison, renonçant à l’existence par facilité, pour ne pas vivre l’ « angoisse existentielle ». La volonté de placer le souci d’objectivité comme critère de la pensée, et même de la réalité de l’être, nous donne l’illusion de sa nécessité, alors que ce réel est véritablement construit par l’homme. C’est donc quand la philosophie, science des essences, prend le pas sur l’existence, qu’il faut réaffirmer que l’existence est le point de départ de la pensée. Pour Gabriel Marcel, « Penser une chose comme existante, c’est se penser soi même comme la percevant, c’est étendre son expérience de telle façon qu’elle vienne à comprendre cela même qu’elle laisse hors de soi… » Journal métaphysique. Le scientifique ne découvre pas une loi de la nature, mais, au contraire, invente une façon de la comprendre. En ce sens, les essences, les essences sont nécessaires à l’intelligibilité du monde. En effet l’essence est présente dans les objets à l’état de néant, c’est-à-dire avant que l’homme n’essaie de la définir, mais elle n’est pas encore réelle, elle n’a pas encore été pensée. L’obtention des essences est le travail actif, conscient et constant de l’alchimiste : il distille des données brutes. Mais sans travail, pas d’essence et l’alchimiste est un travailleur libre : il choisit de faire usage de sa raison. L’essence s’affirme donc nécessaire pour donner des significations au monde, mais ces significations ne sont pas prédéterminées.<br /> Au fond, l’essence en elle-même ne représente pas un risque pour l’existence : c’est seulement dans la mesure où l’homme, dans sa quête de l’inconnu, croit les découvrir qu’elle se met à phagocyter l’existence. L’être est dans ce cas responsable de sa non-réalisation, il produit l’illusion d’un système dans lequel il serait solidement ancré et déterminé. Ceci se produit lorsqu’il confond inconnu et inconnaissable. En effet, assumer l’inconnaissable, ce qu’il est, c’est accepter de dire que tout n’est pas à sa portée, qu’il ne peut pas se rendre maître des lieux. A cet égard, la discontinuité de la matière devrait prouver que la vérité n’est pas une sorte d’absolu point d’ancrage, fondement d’un système rationnel. En effet, l’unité fondamentale de l’atome disparaît au profit d’une conception plus adéquate de la réalité, celle de la divisibilité infinie de la matière. On voit ici l’influence réciproque du moi et du monde, ce qui met en avant la simultanéité du sens et de la création : les objets sont là avant d’être quelque chose, de faire sens. Il s’agit donc d’affirmer le caractère indépassable de l’existence. Lorsque la science cherche à déterminer l’essence d’un animal, elle essaie de trouver les propriétés stables de cet être, non pas pour le connaître en particulier, mais pour le comprendre en général. C’est la volonté de comprendre le monde, de le dévoiler, qui rend nécessaire la réalisation de l’essence. Et si Kierkegaard craint tant la systématisation, c’est parce que la pensée est tentée de s’y rassurer, niant ce par quoi elle a surgi, l’existence, et par la même, transforme l’être en pure chose. <br /> Finalement, on pourrait croire que pour exister, mieux vaut ne pas se servir de l’essence, tant il paraît risqué de s’y rapporter correctement. L’essence porte en elle le risque de ne plus permettre la conscience de l’existence, de l’être brut des choses, de se rapporter systématiquement à l’ « être là ». L’existence n’est pas un attribut, mais la réalité de tous les attributs. Ainsi, toute philosophie doit porter en elle la « morsure du réel » pour ne pas être pure illusion, même si la connaissance est fondée sur l’essence. <br /> L’existence, en tant que limite de la pensée offre à l’être conscient la possibilité de prendre conscience de son existence. Ainsi, c’est aux bornes de la connaissance que l’homme éprouve ce qui fait qu’il est là. Mais la conscience de l’existence est réservée à l’homme et s’accompagne d’une impression douloureuse de vide : il se rend compte qu’il n’est pas autre chose que ce qu’il a fait, car, au fond, rien ne l’y prédéterminait. Or l’homme était là avant d’agir. Ainsi, cet « être là », qui lui donne la possibilité d’agir et de penser est toute proche du néant puisqu’il est là mais rien ne le déterminant à penser ou à agir, il aurait pu tout aussi bien ne pas être. Cet « être là » n’a pas plus de réalité pour l’homme qu’un « non être ». Et maintenant qu’il est là, l’être n’est guère plus avancé, car il ne sait pas quoi faire, ou plutôt, il ne doit rien faire. Ainsi, « L’homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque instant à inventer l’homme » pour Sartre, dans L’existentialisme est un humanisme. Que faire puisque l’être n’est pas libre de ne pas être libre ? Car pour l’homme, l’existence, c’est le mouvement par lequel il vient au monde. Or, l’essence ne peut pas contraindre l’existence, c’est une illusion de l’esprit humain. Par conséquent, l’homme se trouve dans l’urgence d’agir puisqu’il est là sans l’avoir voulu, ni y avoir, nous l’avons vu, déterminé. C’est pourquoi, l’essence, si elle procure la connaissance, ne dit pas pour autant quel doit être le « vivre » de l’homme.<br /> <br /> Au fond, le problème de l’existence est qu’elle ne peut pas se définir. En effet, elle place l’être devant une infinité de possibilités, et l’être ne pourra donc, à la limite, être définit qu’à sa mort, puisqu’il n’y aurait alors plus de possibles. Or, eu égard au statut de l’essence, l’existence semble imposer à l’homme le pur choix de ce qu’il sera.<br /> Si l’existence n’imposait pas à l’homme de choisir, il ne serait rien d’autre qu’une pierre, ou qu’un animal, entièrement déterminé par sa nature « biologique ». Ainsi, pour l’homme, être n’est pas synonyme d’exister : l’existence est ce mouvement qui le fait sortir de son être-là, ce passage de la possibilité de vivre en homme à sa réalisation. C’est pourquoi, au fond, les philosophies essentialistes autant qu’existentialistes ont en commun de poser la question de la valeur de l’être humain. Mais, admettre le primat de l’essence sur l’existence chez l’homme la pose de façon moins dramatique. Pour mesurer l’urgence et la difficulté que pose le primat de l’existence chez l’homme, il faut voir que l’essentialisme affirme nécessaire l’essence, alors qu’elle n’est en fait que possible. En effet, si l’on pose l’être humain comme « animal raisonnable », alors on affirme que la valeur de l’être humain est déterminée par une norme nécessaire et universelle, celle de la raison. Sous cet aspect, la difficulté d’exister est moindre, car l’être n’a pas à choisir le mode d’être qui lui permettra de se réaliser. Au contraire, le primat de l’existence implique que l’être doit lui-même fixer cette norme qui n’aurait pas de réalité sans lui. Ainsi, le sujet éprouve le vif sentiment de se faire lui-même et de faire le monde.<br /> C’est ici que se situe le drame de l’existence : le sujet pensant, en étant là, est condamné à exister, et rien ne peut lui dire comment si ce n’est lui. L’essence ne se constate pas, elle forme un tout cohérent, un ensemble constant de propriétés que la réalité lui a donné à penser. Par les essences, il choisit le sens du donné. Mais en ce qui concerne l’existence, il est impossible de répondre au dernier pourquoi, et cette « morsure du réel » empêche de fixer le motif du choix qui orienterait notre vie.<br /> En fait, il s’agit donc, pour répondre à la question de comment exister, de savoir si la liberté que confère l’existence, peut être limitée par la conscience du sujet. Car au fond, pour donner un sens à l’existence, il faut chercher à fonder un devoir, pour limiter l’arbitraire du choix. Or, si l’on rejette comme de vaines constructions de l’esprit tout idéal, on se trouve dans la nécessité de choisir sans aucun principe de choix, sans aucune norme qui puisse juger d’une potentielle action. L’être là oblige le sujet à s déterminer, en inventant lui-même ses propres normes. <br /> Le propre de l’être est donc de se projeter dans son existence qui n’est jamais acquise mais à construire. Les choix qu’il effectue le lient, l’engagent auprès de son être à venir. Ainsi, Bergson dit qu’ « exister consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même. » Mais, penser la liberté dans la perspective de la valeur de l’être limite l’infinité des choix possibles en liant intimement essence et existence. En effet, si l’essence de l’être humain est d’être indéterminé, en devenir, ce devenir est tendu par le désir d’intelligibilité. Le sens étymologique d’exister est « sortir », ce qui signifie pour l’être humain, sortir de l’être là, pour exister. Et c’est d’abord par le langage que l’être surgit du néant, car le langage est déjà en lui-même une sorte de méditation entre l’homme et le monde. En ce sens, la dialectique platonicienne répond déjà à la question des modalités de l’existence en posant la raison comme mode d’être. <br /> Ainsi, il y donc de façons de vivre le primat de l’existence. L’une consiste à le vivre douloureusement en affirmant que le primat de l’existence détruit les essences, et, par suite, enferme l’être dans une solitude absolue. L’autre, par contre, considère le primat de l’existence comme rendant possible l’intelligible à partir de la vérité fondamentale du je pense, en impliquant les essences dans le devenir de l’homme. Au fond, exister, c’est conquérir l’essence.<br /> C’est pourquoi, s’il faut admettre le primat de l’existence chez l’homme, cela n’a que peu d’importance en soi. Car au fond, cela ne répond pas à la question qui intéresse l’être en devenir, qui est celle d’exister en homme. Le réel, l’existant, nous est donné à penser, et pour penser ce réel, nous devons nous fonder sur la conscience de ce réel. Ainsi, la conscience, qui est un acte en train de se faire et non pas une réalité achevée, émerge du réel donné et achevé. C’est pourquoi exister apparaît d’abord comme le fait de faire usage de sa conscience. La conscience est fondamentalement l’acte par lequel je sors de moi-même pour exister. Mais, pour autant, la conscience n’existe pas ans le réel dont elle se nourrit : elle se rapporte au réel, veut le penser, mue par un désir d’intelligibilité. C’est à partir de l’être là que l’existence conquiert l’essence, et se doit de la conquérir, sans quoi l’être resterait à l’état de pur « être là ». Le problème existentiel semble donc contenir en lui-même sa réponse. En effet, il s’agit pour cela de ne pas identifier la liberté totale inhérente à l’existence, à l’arbitraire. En ce sens, vivre libre consiste à se déterminer de façon autonome, c’est-à-dire en fixant la norme des raisons. La liberté de choix doit être la condition de l’autonomie de la volonté, laquelle nécessite des normes. Sans normes, l’absolue liberté est illusoire et vaine, c’est pourquoi chercher les essences n’est pas de l’ordre de la contrainte mais de l’obligation.<br /> Ainsi, la raison n’est pas en elle-même donneuse de leçons : elle est mode de vie du sujet pensant qui s’en sert comme guide. C’est la volonté d’exister en homme qui nous fait choisir la voie de la raison. En effet, elle n’est pas une sorte d’instance divine qui jugerait des actions –ce qui reviendrait à soumettre l’homme à un ordre moral préétabli-, mais une façon de se rapporter au monde. Ainsi, la science des essences est nécessaire au choix authentiquement libre. La raison intervient comme le guide permettant le dévoilement d’une nécessité intérieure. Cette nécessité intérieure est la condition de l’authentique choix du sujet : si le choix est nécessaire, c’est qu’il a épuisé les autres options, réduit l’infinité des possibles. C’est pourquoi assumer sa liberté, c’est faire le projet d’une nécessité intérieure, comme condition de l’existence même, et non plus du seul être.<br /> <br /> En conclusion, distinguer l’essence de l’existence permet d’éclairer l’être et ses productions. Pour l’homme, il est nécessaire de reconnaître que son être là ne se prouve pas et qu’il est la condition même de son existence. En ce sens, la primauté de sa présence dans le monde est la limite de la pensée : elle marque son début, car, sans elle, rien ne serait donné à penser, et sa fin car elle ne peut être pensée. Cet inconnaissable permet d’attribuer sa juste place à l’essence contre une façon de se rapporter à la connaissance qui voudrait placer l’homme dans un système de valeurs et de vérités achevées qui ferait de lui une pure chose. Chercher à saisir l’existence dans toute sa nudité apparaît cependant vain et stérile. En effet, l’être humain fait l’expérience de son existence lorsqu’il se trouve confronté à la nécessité de choisir sa vie d’homme. D’une liberté angoissante, l’être doit sortir pour accéder à une liberté authentique, mu par son désir de dévoiler le monde et de vivre en homme. Ainsi, la valeur de l’être dépend de la façon dont il se rapporte à l’essence : ayant conscience de la « morsure du réel », il peut se servir de l’essence pour réduire l’infinité des possibles qui s’offrent à lui. La présence d’un inconnaissable originel n’est donc pas le signe de la vanité du désir de connaissance à travers l’essence, qui, au contraire, manifeste la volonté autonome de l’être de se réaliser par la compréhension de ce qui lui est donné à penser.
G
L'horreur de la froidure atteignit le neurone dominant de ma rationalité cartésienne, et lentement dans les entrelacs diminués des rimes amochées par le gel, j'entrevis l'avenir glacial des tomnbes. J'en déduisis que je pouvais être surpris par le terrible maléfice d'Epiméthée, cet imbécile de Titan qui n'avait rien prévu en cas d'intempéries. Et me couvris d'un épais manteau pour aller déposer mon courrier au bureau de Poste.
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