→ B 027 – La bourre.
Ne suis-je qu’une mort contrariée,
un noir profond détachant sa langue pour lipper la lumière où se fracassent toutes les couleurs ?
Me suis-je infréquentable au-delà de ce que la raison m’assigne à recevoir ? A incuber ?
Il y a tant de ratures et d’oxymores sur le bout de mes doigts. Il y a tant d’anagoriques manifestations sur le bout de ma langue.
Dans la pièce voisine, le jour lutte afin d’obtenir la clémence des stries qui zébrent le silence de cristal où les mots sont des corps à toucher.
On a planté sur la peau les heures des larmes qui gouttent comme une plainte s’écoule à la fuite.
Avoir froid dans la marge. Avoir peur de se reconnaître dans l’éclat de sa misère.
Il faut renoncer à soi pour se comprendre. Renoncer c’est accepter de vivre en soi tel que l’instinct nous y conduit. L’instinct ce noir méconnu.
A vouloir se dompter on finit rigide comme une bibliothèque sans âme. Le laisser-faire n’est pas une fatalité anarchique. Ce qui est régit dans le malgré nous, n’est pas une offense.
L’important n’est pas ce que l’on aime mais ce qui nous fait aimer. Le pouls de soi trafique la représentation que l’on s’en fait. La tragédie parle des contenus lointains, des terrassements immémoriaux que la paix n’ignore pas. La paix cette mort vivante qui se dilue dans toutes les veines de la vie.
Ce qui est extérieur à moi m’altère et me désaltère, tout autant.
L’ignorance nous offre l’action que la raison aurait occultée. Le jour où je sais pourquoi je t’aime, c’est que je ne t’aime plus vraiment véritablement, tant l’amour se passe de raison. L’acuité est une lame, une faux tranchante qui sape nos vérités.
M’approcher de toi dans un réel confus à n’être que lui-même, un réel défait de certitudes, un réel comme un adieu persistant couturant nos craintes comme un euphémisme sorti de la solitude des foules. M’approcher c’est déjà t’inventer de ce que je suis sans toi.
Dans le ventre du monde, avant les prémisses d’un blanc, le noir gloutonne dans la marmite de ce qui a existé. Là, les empreintes d’un vocabulaire sans nom que l’on décrypte parfois dans la rencontre de nos hiéroglyphes, de nos langages de sourds que les mains accompagnent muettes. Là, le gisement fossilisé de nos richesses cachées aux regards prétentieux des appartenances. Une rivière d’os et d’atomes pleut dans la main du vivre. La main se tend et tout l’horizon est mouillé.
Le cœur se révèle de la multitude où chacun veut voir une singularité. Nous sommes trop nombreux en un pour prétendre aux souvenirs d’unicité. Collés comme des buvards aux poumons du monde, nos souffles s’expriment en crachant par-dessus les voiles. La compassion est l’amour de toi qui est venu se recueillir en moi.
Je suis dans la perte et non dans le sacrifice. Je fuis et me fuis dans une dégénérescence inéluctable.
Le bruit de nos rêves bouscule nos silences. Une conversation d’ombres dépliées de l’éternité passagère habille l’embrasement et l’éclair chute dans nos gorges.
Les barrages sont des retenues d’eau oubliée où s’alimentent nos chairs et nos plaies. L’héritage nous laisse locataire. Nous sommes vacataires de la durée.
Mon regard trébuche dans le tien. Tout est noir ouvert, tout est neige blanche crispée à l’attente de la fonte. Flocons de poudre occupés du brouillard qu’un feu liquide baigne comme une rumeur.
La vie est un sursis accouché de la mort qui prononce la naissance de toute chose. Nous habitons le sursis comme une éternité où s’accomplit la déjection qui obstrue les étoiles. Et nous filons immobiles au cœur de la transition.
Nos maisons sont la suie qui calamine nos folies.