I220 - La peau d’un souffle.

De même l’attente est un temps de réconciliation. De même, j’écris sur tes pas, j’écris sur tes mots, dans tes espaces vides.

Si les orages assainissent le ciel, la foudre dans sa colère violente les hommes. Chacun d’eux ajustés à sa guerre, le fusil des chaos sur l’épaule des écoeurements. De même, à prétendre que sa misère est sa richesse, son trésor a l’allure des éblouissements que les miroirs reflètent de ses leurres. Croire à ses illusions nous plonge tantôt dans les myriades des éternités, tantôt dans l’abreuvoir de nos songes les plus exigus.

L’attente qui flirte avec l’éternité peut traduire le silence étouffé de l’amour. L’attente et l’amour se tiennent souvent par la main. De ce qui naît l’avenir semble immense. De ce que l’on connaît les lieux des hommes se rétrécissent. Nous sommes les troubadours qui se faufilent de l’immensément grand à l’infiniment petit, sans aucun définitif. La racine n’a pas l’âge des fleurs et pourtant les prévoit-elle déjà à la filiation de sa sève. La terre prend ce qu’elle donne dans un cercle où rien ne se perd. Nos cris se superposent puis se rassemblent pour pétrir celui qui gonflera pour être le dernier. Une vie entière de cris. Une vie entière pour donner à la vie le sens de nos incertitudes grumelantes. Rien ne se justifie de fait. Seule l’ombre que l’on ne sait vraiment pénétrer nous suit comme un chien affamé prêt à avaler nos pitances.

De même, notre langage rend l’âme là où il ne sait la porter. De même, la parole est le symbole de nos contritions et de nos failles. Agglutinés, les mots se détachent en boucle pour se hisser à l’ovule féconde des naissances des émotions pures. Un seul y parvient, mais il a la puissance de ce qui ne peut être réprimander. Lorsque je vois ta bouche claire sillonner ce qui donne raison à ce que tu es comme s’arpentent les montagnes libératrices des vérités tiennes qui tranchent la réalité comme une hache délesterait d’un poids devenu trop lourd, je te sais dans la proximité de ce que tu habites.

Ce qui est perdu, nous revient par d’autres formes. Ce qui est oublié, nous accule aux mémoires que nous sommes impotents à convoquer, à deviner. Nous réinventons les mémoires ainsi enfouies. Nous donnons corps à nos déchéances et nous empruntons le chemin de nos cendres comme se ressourcent les ruisseaux à l’heure des fontes de neige.

De l’attente, il serait fou que d’attendre autre chose que nos silences drapés d’une soumission à la nature de nos événements. Je t’attends toujours mais je ne te cherche plus à l’impératif. Se rendre disponible au hasard c’est attendre du hasard qu’il offre sa truculence. Etre disponible c’est patiemment avoir ouvert une à une toutes ses portes.

De même, tu es le puit de ma mémoire. De même, tu es ma chute vers mes eaux les plus profondes. Le dénouement est dans mes décombres. J’affouille même l’humidité supposant que tu es devenue une rosée sans nom et que tu campes la chance où réside la grâce légère de mon ultime souffle.

Comments

[B.]

Comme tu le dis « l’attente et l’oubli »… Le sourire a ceci de bon c’est qu’il découd les stigmates figées par la rectitude des événements.

[ségolène]

Amusant...
troublante coïncidence à propos de Blanchot ;)
Ton texte est superbe...

[B.]

« L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, ni même la fin de l'attente. L'attente ignore et détruit ce qu’elle attend. L'attente n’attend rien. »
- Extrait de L'Attente, l'oubli - Maurice Blanchot

[Dana]

Oui, larguer les amarres et ouvrir les portes pour laisser place à l'imprévu.
J'ai eu parfois cette sensation que quelqu'un que j'aime/ais me revient sous differénts avatars...