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Ne pas dire l’égarement que prononce la conscience brûlante traversant la fine peau du réel que rien n’autorise à capituler devant l’évidence où je te fabrique à la merci de mes désirs. Je ne connais que ta peau que je ne cesse d’inventer ; cette fine soie que j’égratigne pour qu’elle s’ajuste à la couleur du ciel qui se lamente de voir s’éteindre une à une ses étoiles. Aux moments de dire j’apprends à mes lèvres à marcher au milieu des herbes comme le fait un lièvre poursuivi par l’effroi de n’être qu’un gibier que pointe le fusil. Je me souviens fort bien du galet qui occupe le lit de ma rivière. La transhumance des eaux donne à ses formes une rondeur qui lui permet de glisser et je glisse avec lui dans cette direction unique qui conduit à la mer. Je n’ai pour l’heure l’idée du goût du sable que celle que je me fais. Je grelotte de tous les tiraillements qui m’amènent à passer successivement, sans temps mort, d’un état de martèlement à un état de pierre immobile. L’obstacle allonge ma course. Il y a un lieu dans mon corps qui est suroccupé de toi d’une surabondance à écoeurer l’affamé. La vie est cette maison sans toit ni murs que j’habite et dont je n’arrive pas toujours à payer le loyer tant l’emplacement est en perpétuelle mutation. De tes mêmes yeux à nos mêmes désétreintes, l’historicité de nos cabotages à nous livrer de ce qui nous dépasse et fermente en nos chairs pour les livrer à d’ultimes reconversions, je ne reconnais que le vide qui chatouille mes précipices. Dans le pareil identique qui est, si différent, si «nous» sans l’être, nos dehors culbutent nos consentements à accepter l’indicible de nos petits échos qui murmurent leurs ballottements intempestifs comme des abeilles ne pouvant plus pénétrer la ruche. Ne pas dire l’égarement que suggère le silence de l’envahissement, de cette trombe d’eau et d’air qui se déverse soudainement lorsqu’on s’apitoie sur le sort de son sort comme si la mort que nous avons entendue nous pénétrer disait pour nous le charnier de nos désespérances. Dans l’épreuve je suis corps d’aventure trimballé d’une errance frigide à un nomadisme ne reconnaissant du désert que les traces antédiluviennes des coquillages cristallisés qui me rappellent le passage de la vie inondée. L’imaginaire fourvoie le réel à ses limites les plus strictes pour ne prévoir que le cheminement des limons de la rivière que l’on habite. De l’intuition je ne sais plus que l’immanence concrète.