I195 - Île du souffle.
Lorsque je t’appelle de cette voix perdue qui n’a ni visage ni sonorité et qui est ruinée aussi loin que l’infini ne lui est qu’une coursive restreinte, je sais que tu entends la frappe des échos que livrent mes doigts en sonnant les bûches des mots. C’est le fracas silencieux de la langue sans parole qui colporte la vibration au-delà des résonances singulières. Le désaccordé des notes que lâchent les gorges dans un bruissement qui soulève les phrases muettes d’une hémorragie de nécessaire s’imbrique au parfum des musiques où se crache nos halos originels. L’inespéré n’est pas perdu. Il est là sous l’écorce des jours qui déroulent. Il revient dans les souffles que le ventre charge des réminiscences incontrôlables.
L’insurrection des sentis parcourt la nervure de nos pétales et nous mourons tour à tour de nos délectations et de nos avaries. L’île a la lenteur de nos pas. L’errance ne peut pas franchir cet ailleurs que nos rêves incertains et titubant supposent des contours de ses plages sauvages où ne poussent que le hasard. Même le courant d’air qui nous effleure ne sait s’enfuir et se meut autant qu’il lui est possible entre les chaînes qui nous retiennent prisonniers. L’amour lui-même se peint tout seul. Sa fresque s’étale et me drape libérant de mes mains l’acte déchiré des mots entiers. Ton souffle est mon île éphémère par laquelle je me transcende à te respirer des saccades qui dégoulinent de mon âme comme autant de coulis d’étoiles baveuses.