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LA COLLINE AUX CIGALES
15 décembre 2008

D001 - Alors, libre ?

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Le sentiment de liberté apparaît comme à l’origine de la plupart de nos actions ou de nos pensées. L’homme ne ressent pas d’entraves lorsqu’il décide d’accomplir une action ou lorsqu’il décide de penser à une idée. Par conséquent, il peut se fier à son sentiment de liberté car, il l’expérimente de fait et n’en ressent aucune contrainte. Par exemple, je peux décider de ne pas aller travailler le lundi matin, cet acte est l’expression pleine de mon sentiment de liberté. De même lorsque des chefs d’Etats décident d’envahir un autre Etat contre l’avis de leurs homologues, ils expriment la pleine réalisation de leur sentiment de liberté. Rien n’a entravé historiquement le fait qu’une nation soumette un peuple à l’esclavagisme.

De plus, il semble tout à fait concevable de se fier au sentiment de liberté car ce dernier semble inhérent à notre propre conscience. Ce sentiment dépasse de loin tout ce que nous pourrions réaliser en actions par la conscience que l’on en a. Le fait d’être prisonnier ne nous prive pas de la faculté d’imaginer de se sentir libre autrement (par l’action de la pensée). Un prisonnier peut imaginer son évasion par exemple. « L’esclave a dans l’action même, un choix a effectuer : il peut se lancer dans la révolte, il peut choisir de se donner la mort, tenter l’évasion. Il peut aussi choisir la servitude.», disait Jean Paul Sartre.

Même attacher de toutes parts, il me serait possible de penser, ce qui laisse supposer que notre liberté est absolue, mais elle n’existe «qu’en situation », c'est-à-dire face à toutes les déterminations qui peuvent jouer tant de l’extérieur que de l’intérieur.

Le fait d’avoir conscience de son propre sentiment de liberté accentue et amplifie la notion même de liberté. D’instinct nous nous concevons libres et sommes bien incapables de nous traduire autrement.

Enfin, nul individu n’accepterait de renoncer au sentiment qu’il a de sa liberté. Donc cela montre bien qu’il peut non seulement s’y fier mais qu’en plus ce sentiment est inhérent à sa conscience et qu’il ne peut s’en départir. Le premier article de la Déclaration universelle des droits de l'homme note : « Les hommes naissent libres et égaux en droit… ». C’est donc définit telle une donnée universelle et intrinsèque à chaque individu. A partir de là, comment pourrions-nous le remettre en cause ? Cela serait vouloir prétendre à maîtriser une faculté qui est de nos instincts et donc pas de nos raisons ; ce qui semble impossible.

Par d’autres aspects, il n’est pas non plus aisé d’être aussi affirmatif. En effet, dansuntitled66666 quelle mesure le sentiment de liberté ne peut-il pas être faussé ?

La liberté sous-tend à des règles plus ou moins permissives et coercitives. Au volant de ma voiture, je m’arrête au feu rouge, respectant ainsi le code de la route qui permet à chaque automobiliste dans la plupart des pays de se déplacer selon son gré, librement sans rencontrer d’autres contraintes que le respect d’une règle commune pré établit qui offre à chacun de rouler sans obligation d’heures, de lieu et de distance, par exemple. Il est à noter que si chacun s’autorisait sa propre règle personnelle, la liberté de chacun en terme collectif serait bafouée.

Dans ce cas, imaginez-vous circuler en semaine aux heures de pointes dans n’importe capitale européenne et vous vous rendrez bien vite compte que la liberté en terme de non contraintes offrirait une cacophonie ingérable et le transport véhiculé ne serait plus viable. Etre libre ne peut exister que si l’on est respectueux d’un ensemble. Etre libre n’est pas être sans contraintes ou restrictions. La liberté d’un couple cloisonné par les conventions sociales se défendra dans un souci d’équité par : « ma liberté s’arrête où commence celle de l’autre ».

La liberté est un mot qui chante plus qu'il ne parle, disait Valéry, lui reprochant par là son imprécision et sa forte charge affective. Autre façon de dire que la liberté est avant tout un désir, non une réalité, une valeur, non un fait. Liberté sociale, liberté individuelle, il s'agit toujours du désir d'être maître chez-soi, d'être son principe et sa fin. L'obstacle, c'est l'autre, l'autre homme et l'autre en tout homme. En politique, cet effort s'incarne dans le principe d'égalité. La démocratie se veut la réalisation de l'égalité de droit et non l’égalité de fait.

Quoi de plus naturel que de se croire, sauf intervention extérieure, maître de ses actions. Je veux ceci et je le fais. Je contrôle ma vie, je me fais. Bref, je suis responsable de moi. Chacun n'a-t-il pas une conscience, un centre de décision propre qu'il contrôle et qui le caractérise ? Pourtant Spinoza, dès le XVIIe siècle, nous mettait en garde : c'est le contraire qui serait naturel. Une pierre qui tombe peut-elle, plutôt, « décider » librement de monter ? Pourquoi en irait-il différemment de l'homme ? N'est-il pas lui aussi une partie de la nature, donc soumis, comme les autres, à ses lois ? Il se croit libre parce qu'il les ignore, voilà tout. Freud, par une autre voie, viendra rejoindre ici Spinoza pour le radicaliser : l'homme ignore les causes qui le déterminent parce qu'elles sont en grande partie inconscientes. Révolution freudienne : je ne suis pas maître chez-moi.

Ce que nous enseigne l'histoire des collectivités et, depuis Freud, la nature humaine, c'est que la liberté commence par la prise de conscience de notre servitude, qu'elle est un cheminement et non un état, que son existence est idéale et que sa réalité concrète est celle d'un travail.

untitled2568En d’autres cas, je peux par exemple, me rendre dans un garage dans le but d’acquérir un véhicule neuf, et m’apercevoir ou pas que mon choix sera induit par une publicité et/ou une annonce qui me sera parvenue à l’insu de mon plein gré, qui ne serait finalement que la résultante d’une information inconsciente. Je serais en droit de me demander si mon choix s’obtempère de mon seul libre arbitre reconnaissant à un véhicule plutôt qu’à un autre des vertus esthétiques et de fonctionnement que ma raison m’aurait dicté ou bien ne serais-je point à le choisir pour des raisons plus pernicieuses et plus incontrôlables ? Il va de soi que le sentiment de liberté ne peut s’éprouver véritablement que s’il conduit à vivre l’action en relation avec notre détermination. Or, si je suis sous une influence inconsciente, je ne pourrai plus considérer mon sentiment de liberté comme fiable, dans la mesure où il est normalement et logiquement l’expression de ma propre volonté non induite et non soumisse à des facteurs extérieurs. Or, n’est-on pas incessamment interpénétrés par une foule d’éléments et de données extérieures qui perturbent et modifient notre raisonnement dans le choix que nous faisons ?

Freud parle d'inconscient et de libido et de refoulement. Sartre nous dit que l'humain est un projet et qu'il doit se réaliser en agissant. Pour Freud la liberté réside dans l'accomplissement de l'inconscient et l'actualisation de sa libido et pour Sartre la liberté apparaît quand l'humain se fait en agissant suivant ses propres choix. En somme Freud dit que la liberté humaine est illusoire jusqu'à un certain point, elle réside dans l'ignorance de ce qui nous fait agir alors que pour Sartre c'est en agissant et en faisant des choix que la liberté humaine se manifeste. Il y a du déterminisme chez Freud et de l'humanisme indéterministe chez Sartre.

Il faut ici prendre le terme au sens métaphysique. Est libre, celui qui agit selon ses choix, qui décide de sa vie sans être contraint par devers-lui. La liberté, au sens philosophique, suppose d'agir selon des motifs, sans être manipulé à son insu. Bref, être libre, c'est agir en conscience. Si je m'en tiens à cette définition, il est clair que la liberté semble peu compatible avec l'idée d'un inconscient qui m'influence, qui me manipule sans que je le sache, sans que je sache ce qui me fait agir et je ne peux donc accorder à mon sentiment une grande fiabilité

Il est vrai, du reste, que Freud introduisit l'idée de déterminisme psychique et que liberté et déterminisme sont des termes qui s'opposent. Cependant, il faut faire attention à deux choses : Premièrement, l'inconscient n'est pas nécessairement celui de la psychanalyse. On peut penser l'inconscient autrement que Freud. Deuxièmement, est-il sûr que la théorie freudienne exclut réellement toute idée de liberté ? Tout dépend de la façon dont on conçoit la liberté, tout dépend de la réponse à cette question : qu'est-ce qu'être libre ?

Freud dit " le moi n'est pas maître dans sa propre maison ". Mais qui a jamais prétenduuntitled477477477 qu'être libre, c'est être maître dans sa propre maison ? Il s'agit là d'une confusion entre libre-arbitre et liberté. Certes l'idée d'inconscient exclut l'idée de libre-arbitre c'est à dire l'idée d'une conscience totalement indéterminée, complètement maîtresse de ses choix, mais non l'idée de liberté.
On peut très bien concevoir que nos actions, nos pensées aient des causes (fussent-elles inconscientes) sans pour autant nier l'idée de liberté. Spinoza, par exemple, ne définit pas la liberté par la maîtrise de soi (l'homme n'est pas " un empire dans un empire ") mais par la condition d'être agi par sa seule nécessité. " J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature, contrainte une chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une certaine façon déterminée; " Or, si l'inconscient existe, il fait bien partie de mon être. L'idée d'inconscient n'exclut plus alors l'idée de liberté.
Néanmoins, il reste que nous nous battons continuellement contre nos déterminations. Si je choisis à l’achat d’un véhicule ce dernier par le développement d’un choix inconscient, mon instinct bafoué et répudié n’aura de cesse de me faire douter d’avoir fait le bon choix. Ce qui veut dire que ne pouvant jamais vraiment connaître ce qui dans mon choix comme dans mon déterminisme accorde le bien fondé attribué à la valeur qui le loge, je serais perpétuellement dans le doute ne sachant pas qui du sentiment intime ou de ma détermination obtempérera le choix que je fais.

Dés lors, peut-être est-il possible de dire que nous devenons libres car nous parvenons à comprendre les raisons de notre détermination. Nous ne sommes libres que de ce que nous savons puisque la liberté pour se définir a besoin de se comparer. Un individu d’une peuplade reculée au fin fond de l’Amazonie se pensant pleinement libre n’est pas forcément plus libre qu’un individu vivant dans le monde civilisé, il en va de leur appréciation. Et ce n’est qu’à la comparaison des deux formes de vie qu’il nous est possible de mesurer par la réflexion ce qui diffère entre les deux modes de vie.

Peut-être aussi, qu’il y a amalgame et opposition entre une liberté objective (libre de manger du poisson plutôt que de la viande) et un sentiment de liberté se limitant à une absence d’obstacle.

Il reste que l'idée d'inconscient exige, si on l'admet, de quitter les conceptions naïves sur le libre arbitre. Si l'inconscient psychique existe, il n'est plus de place pour une maîtrise de soi à la manière de Descartes. Mais n'était-ce pas l'illusion suprême, l'effet, dit Freud, de notre narcissisme ? Inversement, il est faux de dire que l'idée d'inconscient 1852_20Gerome_20Jean_Leon_20Une_20idylle_20Daphnis_20et_20Chloenous enlève toute excuse et toute responsabilité. A nous, au contraire, de reconnaître la causalité qui nous fait agir pour reconquérir une certaine latitude d'action qui sans être absolue a pourtant une existence. Ne pas reconnaître cette causalité, n'est-ce pas l'illusion même ?

Finalement, la liberté relève‑t‑elle, ou non, de la volonté humaine ? Est‑elle ou non compatible avec le déterminisme scientifique, pour lequel tout phénomène est causé par un autre ?

Nous ne pouvons renoncer à notre liberté parce qu’elle est constitutive de notre identité et de notre nature humaine. Reste difficile d’en vivre le sentiment qu’elle nous inspire tant la liberté n’est jamais entière et que nous en vivons seulement des partialités.

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Commentaires
B
Faut voir l’ajustement comme notre incompétence à notre inadaptabilité à savoir faire autrement. Rire <br /> Mais je ne peux m’empêcher de croire que la vie est bien plus grande que nos seuls agissements et que le choix en tant que tel restreindrait son amplitude. Doit bien y avoir un espace quelque part qui s’enclume de ce que nous sommes tout au fond de nous. Tu sais celui que l’on entraperçoit quand on a trop bu par exemple. <br /> Hic ! Heu, tu me suis ? Rire
L
Oui, c'est ça, c'est ça.<br /> Touchée.<br /> Je m'ajuste à... à ce que je ne choisis pas toujours de choisir...<br /> Je te souris.
B
Mais ça, je ne le sais pas…<br /> Le constat de ce qui nous dépasse ne se limite-t-il à une fatalité ?<br /> Nous avons pourtant bien le sentiment de choisir lorsque nous disons : oui ou non.<br /> <br /> <br /> Mais ça, je ne le sais pas…<br /> Faire un choix c’est choisir de ne pas laisser libre cours à d’autres choix, d’autres hypothèses. Se fier à la raison n’aurait-il pas plus de valeur que de se fier au sentiment, ou moins ?<br /> Choisir est-ce posséder ?<br /> <br /> Mais ça, je ne le sais pas…<br /> Ce que l’on accepte n’est-ce que par tolérance ? Où se trouve le désir ?<br /> Ce que l’on appelle prétexte, n’est ce pas qu’une fuite notifiant notre incapacité ?<br /> <br /> <br /> Je suis libre de ça,...<br /> Libre de dire ou de ne pas dire… Libre de faire ou de ne pas faire… libre d’agir ou d’être agi… Libre de la seule faculté possible : celle d’en avoir conscience. Ce que les bouddhistes appellent être éveillé. <br /> Ne pas choisir est bien sûr un choix. Une forme de choix dépossédé, mais un choix tout de même. Et s’il n’est pas fuite, il peut-être la signification de la confiance attribuée au hasard corollaire à la confiance que l’on a en ses instincts. Sensé et illusoire ne sont sans doute que les deux bouts d’un seul et même bâton. Savoir se passer de… c’est s’ajuster à…
L
Je ne peux choisir tout ce que je vis<br /> Je me persuade juste de faire des choix<br /> Et dans les méandres de ma conscience<br /> Il y a comme une sorte de résistance<br /> Qui fait que j’accepte finalement ma vie<br /> Un peu comme si je l’avais réellement choisie<br /> <br /> Mais ça, je ne le sais pas…<br /> <br /> Lorsque j’affirme ne pas vouloir<br /> N’est-ce pas faute de pouvoir ?<br /> Abnégation face à l’impossible réalisation.<br /> C’est ainsi plus commode et plus aisé<br /> De refuser dès le départ ce qui ne peut être possédé.<br /> <br /> Mais ça, je ne le sais pas…<br /> <br /> Et j’accepte avec une sagesse absolue <br /> Les arguments valides de mon refus<br /> Je m’entoure donc de bonnes raisons<br /> Additionnant bas prétextes et petites décisions.<br /> <br /> Mais ça, je ne le sais pas…<br /> <br /> Dès lors, ce que je ne choisis pas<br /> Fait malgré tout, un peu partie de mes choix.<br /> Je souris en écrivant ces petites phrases vaines <br /> Je substitue le bonheur aux fausses peines<br /> La bataille du sensé contre l’illusoire<br /> Le passage forcé par l’exigu entonnoir …<br /> Savoir se passer de ce qu’on ne pourra pas saisir<br /> Et se leurrer gentiment à défaut de se mentir.<br /> <br /> Je suis libre de ça,..."
B
L’inconscient que tu évoques ressemble étrangement à l’instinct. Et ton détachement s’apparente à la conscience des choses dont il est pris mesure. Oui, tu as raison, c’est compliqué la liberté surtout celle qui nous est martelée comme acquise et entre autre : « liberté, égalité, fraternité ».
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