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Un désir sans mot, nu de ses apostrophes calque le silence où se traduit le sang d’un vocable impudique. Sur les ruines de ce qui est devenu déshabité quelques rapaces survolent. La survivance s’est faîte toute petite, minuscule. A peine une once encore un peu argentée laisse supposer un rire ancien, un sourire terni. Blessures et plaies s’évoquent à se parler d’elles-mêmes, s’ébauchent à coups de grimaces, se façonnent du langage inconnu des pierres précieuses, des argiles lointaines que la cire a mimé, a retranscrit pour que l’épreuve soit statue des mémoires. Nous parlons tous des mémoires que nos peaux ont su porter des mondes en dehors de nos humanités civilisantes, en dehors de nos mondes. C’est du chaos de nos premières émergences que l’argile s’est confondue à nos glaises encore vivantes. Dans ta peau, il fait chaud de cette terre de feu qui épouse les formes, toutes les formes et qui épaissit les mouvements, tous les mouvements. Dans un seul de tes gestes la parole de la genèse te transfuse et t’inocule cette part antérieure que tu habites sans plus le savoir. Ton désir claustrophie le mot que tu ne pourras livrer qu’anesthésié, un mot décharné ne donnant qu’un piètre visu d’une carapace émaciée vide de son contenu originel. Mieux que d’aimer avec des mots, je t’en conjure, aime avec des cris. Hurle de toi les sons graves et aigus de tes appétits furieux, gronde ton désir, égosille toi, époumone toi au-delà de toute ressemblance d’avec le verbe. Lâche ta voix au vent et aux feuilles qui la réclament, lâche le souffle de ton ventre. Et aime à te chuchoter que c’est ainsi que tu aimes. Aime à te murmurer le ravissement des heures que tu fais trembler par la lame de tes soupirs.