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LA COLLINE AUX CIGALES
19 juillet 2008

0574 - Une escarre au fond de soi.

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Et maintenant, je veux aimer autant qu’il est permis. J’ai trop longuement oublié le bonheur qui n’existe pas, j’ai trop attendu de la jachère des joies indiscutables. Trop longtemps vécu drôlement dans la drôlerie de ce qui n’est que des sourires sans parfum. Dans le fond la forme surpassait le contenu. On ne fera jamais entrer plus de quelques gouttes de joie dans un dé à coudre. Le récipient ordonne.

De mes tendances, la force du désir puise dans l’ambition que j’ai de moi à être autre chose, autrement. Il est si naturel que de se mutiler de ce qu’on est pour se configurer de ce qu’on voudrait se doter. Insatisfait non plus de soi tel quel, mais de ce pas assez qui vient pourrir par la carence l’exemplaire initial, originel. Se soumettre à l’épreuve de ses projections pour croire devenir ce à quoi on aspire et qui inévitablement nous ramène à nos impossibles, nos incompétences, nos pas savoir et nos pas pouvoir. Le JE pour source de désir est si désuet, là à cet endroit de nous.

Et n’avoir de cesse de se changer à chaque fois que l’on aime. Je crois que si j’avais aimé la Joconde je serais devenu peinture et m’exposerais avec pugnacité sur tous les murs qui lui font face. Une femme change tout d’un homme qui l’aime. Et dire que je me suis si souvent perdu en palabres à vouloir lui raconter ce qui dans mon cœur existait plus que de lui dire je t’aime ! Comme s’il m’eut fallu d’abord et prioritairement, qu’elle soit témoin de mes transformations, plus que réceptrice de mes émotions. Combien, il nous arrive de nous malmener à s’en faire désaimer… ce terrible constat m’accable. Il aura fallu que toute la mort se camoufle dans des déguisements d’Arlésienne pour que j’en succède à cette effrayante réalité. Et maintenant, je veux m’inoculer à la truculence du désir d’aimer. Je veux basculer, et me dissoudre en cet autre moi qui chemine à l’orée de sensations connues et cependant nouvelles, réinventées par la pulsion de l’attirance du bonheur.

Oui, je me rappelle de ces instants où chantaient sur ma peau les frissons endormis que réveille l’instant, qui sommeille pareil à un retard pris sur soi-même, dans l’expectative d’un je ne sais quoi de différent et semblable tout à la fois. Je me souviens de ces silences complices qui accomplissent bien plus que l’écho d’un regard. Je me souviens de ces riens fragiles qui liaient la farine des sens en une crème onctueuse. Je suppose que ma chair se souvient, aussi. Je me remémore un instant, les gladiateurs du fécond et je revois dans un défilement continu, un certain nombre de combats d’arène. Le glaive et le bouclier de celui qui pique et tranche et de celui qui protége, l’armure me semble à cette heure bien pudibonde et si aléatoire. Il eut été si simple que de s’affairer à la bague qui unie, à l’anneau des transparences bouillonnantes. Les souvenirs eux-mêmes sont indisciplinés et se calquent en combat dans ma mémoire avachie.

Au bord d’une eau calme et sans fond, une femme s’inscrit en filigrane comme des flamands rose dans un paysage camarguais se préparant à l’envol. Une image un peu écornée par le temps, mais encore édulcorée par l’insuffisance des lèvres non jointes. Sa poitrine baille comme un étang que le soleil caresse à la finitude du soir qui s’assoupit. Mon silence porte alors l’étendu des marécages et le défilement d’images souffle un diaporama qui réveille une nature morte de ses fracassements à espérer se dissoudre.

Je ne saurais dire si c’est le bonheur qui rend confus où s’il est lui-même imprégné d’une confusion où prolifèrent les attentes non assouvies. Les heurts du rêve qui semblent toujours plus majestueux que la réalité, altèrent l’échafaudage du principe de vie à se vouloir uniquement dans l’instant et l’immédiateté se noie aussi d’une confusion propre à galvauder le vrai, l’authentique de la sensation perdurant malgré moi.

Le silence retient tous les ruisseaux où meuglent les jacassements de la bête qui est en moi. Cette bestialité insoumise et toujours en rébellion occupe de ses bruits sourds l’espace du taire où s’effiloche le grandiloquent des pulsions qui auraient dues. Comme si repue toute la beauté de vie était restée muette et prisonnière de ses exclamations rieuses. J’en fini par croire au hasard et à lui laisser la priorité.

Elle est debout, les mains posées sur les hanches, la tête exclamative et le corps50620001 interrogatif. La vie s’expose à se risquer. De son audace à se façonner, je suis le pantin désarticulé qui souffre l’heure de la rédemption et s’invente des contes merveilleux pour apaiser par la compensation de l’irréel, cette frasque dodue de l’immatérielle propulsion à se concevoir.

Et de ce portait la dérision s’infiltre tout aussi limpidement de la vie qui nage en nous à celle que je me fabrique, oscillant tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre, ne laissant au répit que son propre édifice.

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Commentaires
(
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B
Je ne parle pas de mes sentiments, j’en pleure.
I
c'est absolument magnifique ce que tu dis et le petit tableau est superbe, <br /> quand un homme parle de ses sentiments c'est beau!
LA COLLINE AUX CIGALES
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