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LA COLLINE AUX CIGALES
5 juin 2008

0525 - Crapahuter.

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Mes mots n’ont pas de destinataires, il crissent et tanguent au gré de leur crapahutage. Ici, dans mon antre, le désert est moins sable à jouer sur les plages de mes mémoires. De toutes mes mémoires confondues.

Il est inutile de crier à l’aide, ici, toutes les mémoires ont perdus les visages qui occupaient le servile. Chaque locataire a dérivé, chaque habitant joue les clignotants. Et le phare ne s’éclaire plus guère.

De mes asiles précaires, de mes souvenirs grégaires, seule l’empreinte du large des océans intrépides et fougueux où les vagues s’amoncellent, se surmontent et se chevauchent jusqu’à s’abattre en trombe comme elles seules savent le faire, noyant sans relâche les mots et les idées dans le tumulte de l’écume, il ne reste rien.

L’absence ne donne pas lieu à une solitude ni même à une attente. Ici, l’éternité n’a aucune mesure. Elle est. De ces pèlerins que j’ai croisé, aimé ou rejeté, ne reste qu’une émotion, un frisson de l’âme tels les écheveaux de laine enchevêtrés aux résistances de l’oubli.

Le mouvement toujours lui, a tenu et lâché, puis encore lâché et tenu les termes des mahi_Masques_13passages pour ne saisir que l’instant. Où plutôt devrais-je dire que saisi par l’instant le mouvement ondule à d’autres rythmes. Le ventre du temps s’emploie à digérer les flux et les reflux. Les remparts hautement dressés jusqu’à ce jour avaient retenus tous les assauts, mais se sont effondrés de leur inutilité. Ne reste plus que le désert de moi et quelques mots encore entremêlés dans les filets des urgences repues et difformes, chahutés par les réflexes encore un peu vivants tels des vestiges de larmes des ruines anciennes. Les renoncements sont ces parts goudronnées de moi-même où l’étendue n’avait plus de place et où s’étouffaient mes tremblements. J’ai renoncé à renoncer. J’ai naufragé et baptisé en même temps, d’un coup et d’un seul la silhouette familière que mon ombre supposait délester. La nuit dans son lapsus de noir ouvre sa gueule aux fêlures de mon esprit. Se libèrent en elle, agrégats d’histoires et monceaux de valeurs morales, qu’elle dissout aussitôt dans ses méandres profonds et spongieux.

Dans la clairière des songes je me suis soudain souvenu de toi. Ce petit homme aux mains d’enfants cherchant dans la démesure à cueillir les fleurs des serments que l’enfance prodigue. Cette charpente, cette ossature frêle suspendue aux cerisiers sans cerise qui d’un geste malin mimait un ramassage hypothétique et surréaliste. Cet autre moi que jadis j’avais connu au détour des branches et des feuilles que le printemps offre au vert limpide des paysages encore immaculés des mains des hommes. Ce n’est qu’au fond de moi que j’ai reconnu cette petite flamme qui depuis le début conserve tout ce qui est vécu et perdu à tout à jamais et qui ne cesse de me conduire vers un ailleurs.

mahi_Masques_8Les vides s’unissent aux murmures des étoiles et la nuit se châle du parapluie imperméable des échos que les trop pleins ont pardonnés. A la recherche de l’inaccompli croyant que c’est la route qui reste à parcourir pour s’apercevoir qu’il demeurera inachevé et que là est sa fonction vivante. Terrassé à l’idée de ne pas pouvoir en terminer, en finir avec ce qui n’a pu se réaliser, j’ausculte l’immédiat comme pour me rassurer que le monde et moi, on existe bien. Perturbé à ne plus comprendre, comme toujours c’est le senti qui prend le pas et la marche s’accomplit sans explication, juste avec l’élan. L’avenir se culbute à l’amoncellement, comme la mort se défroque de la vie qui a contenu et contient encore. Ce n’est que vide et dénudé que nous avons un sens d’avenir. Et j’adviens de ce que je ne suis pas encore parce que le monde et l’univers se font à l’envers. Il faut d’abord mourir pour songer naître.

Sous mes paupières l’image du feu. C’est que dedans je dois brûler me dis-je.

Les mots, tous les mots inscrits et incurvés au bois des forets, les phrases toutes les phrases gravées sur papier de livres épais des sources premières refoulant l’ocre des rhétoriques antédiluviennes, tout brûle. Un feu de mille et un mots, de mille et une convenances. Tout ne restera que poussières du déluge des hommes, cendres humaines aux envolées noirâtres que le vent saisi de ses tourbillons à enflammer la terre que je foule encore aujourd’hui. Dépossédé, j’arpente mes lies granuleuses où l’aphasie s’inocule telle une Ciguë de vertiges incontrôlables. mahi_Masques_14

La rage s’isole et s’exile dans l’errance du nomade qui me parcours, saltimbanque de mes dérisions, j’austère mon antre. C’est dans le taire que la parole entre. Le mot revient et revis de loin. Le mot pour dire, pour raconter ce qui ne peut l’être, mais sans cette voix qui déborde, je m’engloutirais plus encore. La parole est une survie des reflets que les miroirs ne savent contenir. L’expression même démunie trouve sa nécessaire définition et sa finitude outrepasse le point qui la termine.

Le geste est là, ici, dans mon espace, ma main se tend. Et je ne vois pas encore vers où l’abîme se dirige mais je la sais.

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Commentaires
B
Pour être parfaitement honnête, il m’a été inspiré par la lecture des tiens. Une histoire de boucle sans doute. Sourire à toi.
.
J'aime l'ampleur du rythme de ce texte B. J'aime à le relire.
B
L’homme du jour est un « homme sans qualité »…<br /> Ce qui peut se saisir est sa seule constance.<br /> Merci de tes mots.
-
Bel hommage à l’homme de la nuit, un être insaisissable.
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