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LA COLLINE AUX CIGALES
30 avril 2008

0367 - Lettre à madame la Vie.

DelacroixOrpheline

Madame je vous ai rencontré la toute première fois une nuit de septembre qui disait au revoir à l’été et s’apprêtait à reprendre possession de ses appartements aux grandes cheminées bouffantes d’air chaud, acquiescant l’attente des vents froids de l’automne et de l’hiver sans se soucier de l’amoncellement des feuilles ocres qui se regroupent aux pieds des arbres décoiffés et tondus.

Je vous ai vue de mes premiers yeux de vos airs lumineux et tranquilles, aguerries de vos élans à perdurer pour vous-même. Vous étiez adossée aux rampes du temps que vous courtisiez de votre charnelle habitude à séduire ce que vous ne possédez pas autrement que de façon incertaine et sans assurance. Vous m’avez parlé à voix basse pour me chuchoter une bienvenue que vous devez répéter sans cesse aux nourrissons apeurés et larmoyants, arrivant sur vos espaces étendus et quelque peu infinis. Et de bonne grâce vous avez accompagné mes premières respirations comme pour donner le rythme à tout ce qui adviendrait ensuite et pour l’éternité de durée que vous songiez m’accorder.

Vous ne m’avez rien dit de ce que vous pouviez savoir sur l’existence qui découlerait du temps qui passe et jamais ne s’arrête, vous ne m’avez rien dit non plus sur vos capacités à prémunir, défendre et adapter votre silhouette aux modifications inéluctables que monsieur le temps obtempérerait à mon encontre sans m’en demander conseil. J’arrivais donc comme un cheveux dans une soupe épaisse et mal moulinée où chaque instant craquait sous la dent.

Vous vous êtes vite retirée en arrière plan pour laisser la main aux devoirs des hommes. Ils ne manquèrent pas de m’instiller et de me gaver comme une oie blanche de leurs connaissances à se tenir droit dans une déontologie de rigueur et de sacrements. Valeurs, dogmes, préjugés et autres artifices à me comporter en bienséant, furent ma nourriture quotidienne : dis, bonjour à la dame, tiens toi droit, regarde bien avant de traverser une route, ne poses pas tes coudes sur la table…j’ai comme tout un chacun grandit dans l’appréhension et la peur… la peur de vivre autrement et ailleurs que sur les espaces travaillés et entretenus par la morale des bonnes mœurs avalisées par la culture et l’histoire de mes congénères. J’ai cherché comme on le fait tous plus ou moins, à trouver une place et une reconnaissance par la singularité de mes différences dans un âge adolescent afin de me certifier que j’étais tous et moi-même à la fois. J’ai pris sur moi à vouloir être moi. Différent et semblable, j’ai parcouru de mes pas fébriles d’incertitudes les campagnes vierges de toutes raisons, grappillant de-ci de-là les fruits d’une nature ouverte et généreuse à toutes formes de vie.

delacroix2J’ai arpenté comme il se doit les couloirs de l’apprentissage des hommes plus que ceux de mes évidences intérieures. Apprenant les outils à vivre avec les autres au gré des mesures collectives et des appréciations individuelles. Des années durant j’ai découvert l’immensité de ce qui est semble t’il nécessaire d’acquérir pour se configurer à l’image du plus grand nombre. Retenant prisonnier en mon dedans les graines de mes semences originelles afin de correspondre aux attentes humaines, à la collégiale des rites inséminés à chacun des actes les plus anodins.

Madame, j’ai suffit à vos caprices et à vos injonctions à la communauté des esprits qui tracent dans la pierre et dans le marbre du temps les cerceaux apostoliques des émergences accablantes des terreurs et des crimes faits et érigés dans l’obligation de l’existence, à poursuivre malgré, à continuer sans, à persister dans l’effroi des misères implacables des chairs meurtries et des âmes délaissées aux pinacles des résurgences pures et saines de l’immaculée conception des cris et des hurlements à se mouvoir de ce qui demeure par delà l’entendement. Je vous ai gratifié puis loué de vos sacerdoces autant que de vos prérogatives à se résoudre. J’ai occupé autant que faire se peu les espaces blanchis que vous m’avez présenté comme des places et des agoras où le répandre était possible. De vos libertés encadrées j’ai tissé le cadre de toutes mes appréhensions à me concevoir.

Héritage marmelade du vivant qui déferle comme une eau libérée promptement de ses barrages à faire les lacs, ces grands récipients réservoir des hommes en peur de sécheresse soudaine. Etre là et refaire le monde… effacer les empreintes et les traces infertiles d’une histoire sans lendemain…refaire la vie, lui offrir l’amplitude du noir pour qu’elle fermente silencieuse dans l’ombre des voix sans voix. D’une vie, d’un fardeau, une ligne, une droite inscrite sans complaisance, un trait qui commence et fini sans discontinuité juste un trait là où il faut inventer la courbe pour adoucir la forme. Ni devant, ni derrière, juste là.Papety_20La_20Tentation_20de_20saint_20Hilarion

La vie est un jardin, une terre, un endroit avec son revers et son envers, son re-vers vers encore et son en-vers et contre tout.

Libérer, libérer la vie de ses ersatz et de ses déchirements, libérer le plein de tous les vides à bâtir, à construire, à percevoir, à imaginer, à offrir comme l’on s’offre le droit, le droit de toute ligne furtive tracer vers un aboutissement inconnu et définitif.

Et je me suis déchiré de vos piaillements à donner le souffle igné, souffle mélangé à du feu. Mon air s’est étouffé de vos jacasseries à vouloir. Brûlant, j’ai brûlé.

Si l’existence était identique à la vraie vie, elle serait probablement ma fin, la fin de l’homme en moi. Le risque serait alors de me tromper sur les moyens et les voies à parvenir à cette vie qui est ma destination. Mais l’exister n’est pas à venir, il n’est pas une vie que je doive atteindre pour accomplir mon essence, il est toujours déjà là, je le découvre comme étant mon lot. Mon existence me saisit. Au contraire de la vraie vie, qui semble toujours venir, l’exister est déjà là. 

Madame, permettez-moi de me libérer de vos attaches impitoyables et de m’exiler sur mes propres terres. Il est grand temps me semble t’il de m’expatrier de vos chemins de tourmente et d’arpenter mes sentiers, mes coursives miennes. Je suis un existant. Et, il n’y a pas d’existence sans la découverte d’une contingence radicale et d’un néant. Exister, c’est par rapport à la massivité d’être des choses, être frappé d’une contingence radicale et voisiner avec son néant.1846_20Gerome_20Jean_Leon_20Jeunes_20Grecs_20faisant_20battre_20des_20coqs

Madame veuillez avoir l’obligeance de me laisser me dénaturaliser et de me substituer à moi-même. Je ne sais être un être naturel et un être raisonnable en même temps. Point de punctum inébranlable là où je me défie de ma révolte à vivre. Vous survivre sera mon credo. Je ne peux souffrir l’idée de finir votre jouet et de péricliter de votre vérité et non de la mienne. C’est abandonné à moi –même que je désire me confier de ce que je suis. Il me plait de décider de moi. Et si la vie m’a donné, laissez-moi le choix de mon existence que j’y accomplisse le destin que j’ai choisi et improviser mes pas à venir. Aurevoir à bientôt. Je vous écris de ce que je m’efface pour laisser place à de nouveaux mots que j’effacerais plus tard. J’aimes répondre à la stimulation du présent ça m'évite de courir après des rêves.

- Aristote, dans la Politique, oppose-t’il le vivre et le bien-vivre. C’est dans le bien-vivre (dans la cité) que l’homme est véritablement un homme et réalise la fin qui lui est propre.

- Kant condamne-t’il avec Juvénal ceux qui, pour sauver leur vie (pour survivre) perdent ce qui rend la vie digne d’être vécue : propter vitam vivendi perdere causas.

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Commentaires
B
M’exprimant souvent très mal, j’espère seulement que de cette lecture s’entrevoie un concept d’écart entre ce qui est de l’existence et ce qui est de la vie.
F
Et aimer vos moments de vérité.<br /> Mais arrêter de courir après ces rêves... Moi , je ne sais pas faire.<br /> Peut-être un jour.<br /> La sérénité devant Madame la vie.<br /> Et le sourire devant Monsieur le temps...
L
mais qui juge ?
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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