Je suis enchaîné aux mailles d’images.
Je marche à côté d’une exultation et d’un ravissement. Je suis dans la proximité de quelque chose qui n’est perceptible qu’avec le recul du temps. Quelque part, un cheminement labyrinthique refuse la rencontre immédiate et nécessite l’attente. Nos foulées communes se déroulent dans le hors champ. Je marche avec une inquiétude prononcée dans la poitrine. Je te sens tout à côté, dans une buée savoureuse, dans un écrin à demi-ouvert comme un sourire charmeur. Alors, je me résigne à te suivre en évitant de trop débroussailler l’écho qui me parvient, de peur de n’y voir que moi-même. Pourtant, je le sais, il n’existe pas de solitude assez profonde pour me défaire intégralement des visages du monde. Bien que tu t’éclipses encore comme une buée sur du verre, je ne peux m’empêcher de te tendre la main.
Nous ne sommes plus séparés que par nos libertés individuelles.
Le vin de tes yeux provoque une divagation dans mon regard. Le flou augmente la dérision de l’attente. Des heures en jachère s’écoulent dans ma poitrine comme un goutte à goutte tombe dans l’évier de ma mémoire. Je suis enchaîné aux mailles d’images. Plus elles sont fugitives, plus elles sont foudroyantes. Mes pupilles sont des jeux de lumière dans la cour de notre enfance. Je te convoque au bleu de l’émerveillement et tu t’enrubannes d’un jaune pâmé où s’effrite le soleil. Van Gogh peint la paille et les hirondelles s’envolent en dehors du paysage.
J’avance dans l’argot oublié des paroles, j’ai refermé sans bruit les parfums qui ne craignent pas la chute. Le temps du rêve est création. Je marche à côté d’une joie, et je chante et je danse pour l’apprivoiser.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©