Un feu sur le poignet du temps.
La vie riposte à la mort. Après les larmes, l’apitoiement et le découragement. Des passerelles tendres s’étirent de la conscience vers un espace préalablement inconcevable. Chacun fuit le vide à sa façon. Pour ma part, j’ai longtemps refusé la destruction physique, cet état irréparable qui jouxte imperturbablement notre marche de vivant. Il y a dans mon être quelque chose d’irrévocable ancré dans mes veines et dans mon sang. Mon chemin est peuplé d’obstacles qui m’obligent à transcender les absurdités de ma volonté.
Mais aujourd’hui, ce n’est plus l’intense chagrin qui entretient avec toi un dialogue de dupes. Je suis venu jusqu’ici pour te dire au revoir. Déchiré, je le suis irrévocablement, mais par cette toute dernière communion, je marche vers l’apaisement. Mes rêves ne sont plus le berceau de mes fantasmes et je te porte en moi comme un enfant risque sa vie en se propulsant à la lumière. La tristesse m’a vidé, il faut à présent que je me régénère. Je sais que tu ne seras jamais très loin. Je sais que la survie s’appelle amour et je continuerai quoiqu’il en soit à provoquer et nourrir ce dialogue avec le chaos.
La mort représente le point critique où ma pensée se heurte puis se libère de toute contrainte. Oui, je veux croire la mort comme une délivrance. Comme un feu sur le poignet du temps. Comme une montre où l’infini poursuit sa ronde dans le dépouillement qui se mérite. Mon cœur a perdu ses ailes, il nage maintenant dans les bas-fonds d’une nuit sans cauchemar. Mon amour est un poème presque vide. Nu, il agace l’étoile qui dort sous mes paupières. Des algues dans le vent répètent une chorégraphie incertaine mais inoubliable. J’accoste désormais le vide dans son contrepoids. La chair me redonne l’espoir d’être heureux sans savoir pourquoi. La mort est toujours un amour perdu, elle nettoie les âmes atterrées sur les branches du ciel.
Extrait de : L’Amour, ce désastre indispensable.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©