Dans le craquellement de mon désir.
Le berger du temps a semé une demi-lune dans le noir du ciel. Une moitié de terre envolée, suspendue à la solitude qui nous éclabousse.
Sérail troublant où repose ma voix figée par l’appétit des songes qui menacent mon esprit. Le chaud et le froid emmêlés bousculent l’horizon. Dans la grève des sourires, nous avons déposé le déclin de nos heures sur des lignes effacées devenues un testament indéchiffrable.
Trop de distance sépare encore la nuit de son feu d’artifice providentiel. Trop d’ombres mourantes jonchent les reliefs frémissants. Il faut s’accorder aux soupirs de nos harpes longilignes qui demeurent des musiques voilées. Probablement, je pâture plus qu’il ne faut sur des hauteurs où domine la bousculade des chutes et des avalanches. Aveuglé et cerné, j’erre dans le vide des lambeaux de frissons, des courages stériles et des désirs perdus.
Il faut se tenir debout dans le rêve. Se tenir en lui comme une pâte gonfle sous le travail des mains qui la pétrissent. S’étendre et s’aplatir au gré de la vivacité du mouvement. S’allonger sur la table enfarinée pour s’unir d’une seule matière homogène, blanche, moutonneuse, prude. Ainsi, nos âmes pleines d’harmonie, de complicité et de souplesse sont susceptibles de s’étirer ou de rétrécir, de se redresser ou de s’arrondir, de s’enlacer ou de s’entremêler.
Ce n’est qu’après l’enfournement dans nos cœurs que nous rebondirons. Chalumeaux aux milles chaleurs d’étuve, nos flammes ne feront qu’une. Mon cœur de souffrance pliera à la chauffe, et nous reconnaîtrons enfin les riches substances que nos limons ont préservées. Dans le craquellement de mon désir s’ouvriront des failles rougissantes que les morsures du temps n’auront su appauvrir. Et je te répéterai les mots que ma peau a conservé sous la croûte glacée des jours de pleine lune.
Insolente est cette chaleur saharienne. C’est dans la transpiration et la sueur des giclées de surchauffe qu’elle dévoile des bouffées d’oxygène injurieuses et infamantes.
Ne pourrait-on pas passer nos cœurs au tamis des braises pour n'en retenir que la douceur rougeoyante des émotions calmes ?
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©