Il ne suffit pas d’aimer.
Ton odeur précède chaque tentative de rapprochement. Ma langue saisit à la parole flottante ses expressions d’onomatopées suggestives. Je marmonne des sons incompréhensibles, de la purée de mots sans ordre. L’existence a mauvaise haleine lorsqu’elle me vole la permanence du libre arbitre. Lorsqu’elle m’embourbe dans la nuit des sentiments encaqués.
Depuis le commencement du jour, tout est infranchissable. Une apnée résiduelle retient la lumière d’une potentielle délivrance à l’intérieur d’une poche d’angoisse. La mer remonte dans mes veines. Je n’ai plus soif. Ma gorge s’émiette de retentissements cinglants. L’effroi du monde des vivants crachote dans tout mon corps son charbon noir et ses effluves aux odeurs d’acier, de gaz nauséabond. Est-ce toi qui t’échappe ou bien est-ce moi qui chavire ?
Je l’ignore.
L’incompréhension du monde, dans sa bonté immaculée, nous offre la traduction brute, l’exégèse des essences tremblantes. Elle nous force à accepter sans comprendre. Elle déroule le savoir à l’envers et dicte à nos voix l’indistinct murmure des peurs incontrôlées. Il pleut des émanations purulentes sur nos natures perlées. Elles sont devenues la proie de nos sens embarrassés par l’innocence pure.
De l’inconnu, je redoute l’ombre cachée à la lumière. J’appréhende l’ajustement d’inéluctables terrassements. Je crains la main de soie dans le gant des combats vains et inutiles parce qu’ils ne changent rien, ne modifient rien à l’ossature de nos coeurs. Il ne suffit pas d’aimer. Non. Il ne suffit pas d’être à la merci des sens, à la criée des épices, au marché des parfums orientaux. Car, il y a aussi des sommeils ravageurs et des rêves nuisibles. Des illusions bâties dans la défaite et dans l’incapacité de nous reconduire à la lumière.
Extrait de : L’Amour, ce désastre indispensable
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