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LA COLLINE AUX CIGALES
1 novembre 2013

La grâce fidèle du corps de vie.

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La matière sans domicile fixe exécute des danses incompréhensibles. Sollicitée, ma chair panique. Que répondre à l’appel de l’air ? Je suis aussi handicapé pour me mouvoir que pour penser mon corps défectueux. L’eau pure qui me traverse chante la part absente, elle se jette à la renverse et siphonne le soleil. La pensée vague s’inonde sous l’assaut des os qui se souviennent. Ma vie titube sans la cane tricheuse de vérité. 

- VI -

Je réapprends à vivre. Je couture l’ampleur du temps qui trimbale le désespoir. Au centre de l’infirmité, les plaies baignent dans les cendres des couleurs endeuillées. On vit tous, un peu, au détriment de la fraternité du monde intérieur. Nos pensées emprisonnent nos élans, alors que nos existences se plaisent à redéfinir les angles par où l’on peut s’évader.   

Je suis par nature l’échange qui me nourrit et cependant mes retenues contiennent toutes les fièvres qui demeurent les maîtresses de la solitude. Un vie, au bout de tout, surgit comme par miracle pour nous soulever de ce qui est mort en nous-mêmes. Comme si la vérité était une purge dégorgeant de tous les moratoires universels, le désapprentissage de nos tocs et de nos affirmations moralistes nous protège de la mort vivante au cœur de chacun de nous.  

Autre thème, autre t’aime, autre thé me, autre… horizon inabordable : soi dans soi. Les jets sont profonds. L’écriture est la parure, l’élégance à la portée du mythe ou de la sentence. Je cherche la double voie, la doublure du style dans lequel s’ébrèche la densité que je parcours. Je trébuche sur chaque motte d’air. Je ne suis débarrassé de rien, et tout m’empêtre jusqu’à la gorge. Je n’ai pas les moyens de mesurer l’étendue qui me rétrécie, alors je me fonds à la prière que récitent mes frontières. Je crois que les membres absents arrachent aux jours leurs limites. Il n’ y a pas de trait pour séparer l’urgence à vivre de la chute vertigineuse du possible. Entre mon cœur et moi, il y a la brisure du miroir. 

Il n’ y a pas de repos pour le réel. Mon esprit s’efforce de redonner du mouvement aux voix puissantes de la joie. Je voudrais ranimer la flamme impétueuse du désir sans injonction. Je voudrais rendre le souffle léger aux clairières de mes forêts. Mais, la sérénité du ciel étoilé cache le tumulte. Loin du bruit fracassant, un ruisseau tranquille transpire l’ardeur docile des courants invisibles. Dénoué de la reliure qui joint l’image à la pensée, je dérive comme un bout de bois cassé sur l’océan du besoin. Mon exigence de consolation est impossible à rassasier. Je ne sais pas transcender l’éclat du vertige en un bref sursaut de lumière. Je suis serti comme une pierre précieuse retirée de son milieu naturel. Je parade sur le doigt de l’écriture, et me couche aux marais de l’amertume. 

L’écriture est une thérapie incontournable. A conduire les mots traduits du silence jusqu’à la feuille blanche, il y a une ascension de la désespérance qui dépasse le cadrage de l’esprit. De multiples pistes inconnues livrent des chemins bafoués par la raison ordonnée. Le symbole redevenu signe codifié s’ouvre à la clairvoyance commune. L’écrit outrepasse la guérison de l’âme lorsqu’il est filtré par les yeux du plus grand nombre. Je veux, ici, témoigner de la vie à l’intérieur des mots. Et, pour être simple, dire qu’un ouvrage capable de réveiller la lumière au fond de la rétine d’un groupe indéfini de lecteurs augmente sa teneur jusqu’à lui offrir une forme de délivrance. L’émotion partagée a la faculté de nous agrandir. Le ressenti désaliéné de sa pudeur évocatrice peut alors sonner l’unisson des cœurs et l’amour redevenir une lumière fraternelle.

Ma vie toute entière s’est retranchée dans le tourbillon du désoeuvrement. J’habite l’instant qui me traverse. Un autre moi habite l’apparence où beugle l’air. L’existence m’a appris que pour soigner un corps, la contribution de l’esprit était nécessaire.  

Tout l’aléatoire à la portée des sens. Nous ne savons être l’instant que lorsque nous l’habitons entièrement. La douceur du monde réside sur le qui-vive. Nous nous embrassons tantôt dans l’échappée de nos communautés cloisonnées, tantôt en nous plongeant dans une ivresse reconquise à la flaque du souvenir. Partout ailleurs existe des souffles corrompus que nos ruisseaux traversent inconscients de leur déportation. Il n’y a qu’une vie, celle qui explose aux creux de nos mains désoeuvrées. Celle qui s’exile du cauchemar de l’existence graveleuse pour poursuivre son chemin à la croisée des vols d’hirondelles et des tourbillons de nacre invisible. Avancerions-nous entre les étoiles et le tonnerre de l’univers que nos étincelles s’envoleraient rejoindre le plein soleil.

Je suis la bougie coupée, la chandelle ébréchée où le feu s’attache à l’air qui oscille. La nuit qui s’avance doucement accueille les rires décharnés d’un corps jouant à l’ambulance. Je m’enfonce dans mes pensées sans toucher le fond. La trouée est trop grande et l’espace imprécis. Ma chair cherche dans l’oubli une terre de survivance. La main immobile pour l’éternité rythme les humeurs qui me démangent. Amoindri, le corps occupe une place ingérable. Il n’en fait qu’à sa tête. 

Ecoute, écoute, ce qui se perd à l’aube du remue-ménage. La grâce fidèle du corps de vie s’étend à perte de vue sur les sens couverts de chapelure. L’écorce dégrafée des gestes habiles et l’orange immature que le soleil peint doucement. Ecoute, le bruit du jour qui se retourne dans la litière nocturne et qui baille dans la neige tendre. La joie de la lumière grimace dans la tranchée d’herbe verte. L’obscurité endémique des grottes sans cheminée devient clarté pour le cœur incendié. La transparence des mots et des syllabes s’endurcit dans les ruisseaux millénaires. De la poussière d’os, maquillée à l’intérieur du caillou, chante la pauvreté du domaine écaillé. La profusion de blancheur lave l’abîme qu’elle essore ensuite comme un torchon oublié sur l’étau des foudres. Ce qui dort tout proche rêve si fort qu’une clameur céleste débouchonne l’égout dans lequel la lune vomissait les épines du ciel. Sans voix, le corps des montagnes développe des antennes pour les ondes que les crevasses n’atteignent jamais. Derrière moi, le lustre de l’horizon éclaire la tisane d’ombres, et je suis debout sur le cheval qui m’emporte.  

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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Commentaires
I
Il doit en rester puisque je t'écris et que tu me réponds.
I
Je sais, je reconnais que trop bien les manques lorsque je les rencontre.<br /> <br /> J'ai pris un chemin détourné pour évoquer cette autre absence similaire.<br /> <br /> Les absences, les manques se percutent, s'additionnent, se confortent ?
L
Elle occupe mon sang comme la mer est un berceau d’eau salée. Nous nous sommes chéris jusqu’à atteindre la lumière éclatante du silence des horloges mortes. Puis, dans le rejet barbare de la matière animée, nous avons franchi le pas unitaire de l’amour éternel.<br /> <br /> Ma sœur est partie, je suis resté. Mais, sa flamme irréductible conserve toute sa fougue sous les pierres que nous avons foulées. <br /> <br /> Cependant, ici, j'évoque une autre perte. Celle de ma jambe et de ma main gauche. L'absence est dans une perspective similaire.
I
Celle qui est partie, est-elle restée en vous ?
I
De qui avez-vous mal ? <br /> <br /> Bien à vous.
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