Nous nous rejoignons de l’intérieur.
Il me reste mardi pour boire à la décoction des moments farfelus et des heures épluchées. La semaine sera maigre et le reste des jours s’accrochera à la toile. Une punaise chavire et des papiers tombent sous l’orage. Il pleut des flaques de gadoue sous le parasol de mon cœur. La vie déchue reprise les lagunes où nous nous sommes perdus. La réalité est analphabète et le maître mot est défectueux.
Je me suis éloigné un moment, j’ai pris du recul. J’ai occupé ma pensée à d’autres affaires. J’ai entrepris de nouvelles occupations. Mais nos cœurs parallèles sont deux menottes étroites et tu t’agites si violemment dans ma cellule que j’ai du scier les barreaux.
Nous sommes encodés aux nervures de nos partages. Sans que nous parlions la même langue, nos fluides se comprennent, s’acceptent et se complètent.
Décalage de l’action et de la pensée, rien dans ma mémoire n’est authentique. Seule une pigmentation autonome semble surpasser le contenu de nos heures communes. Et puis, nos insuffisances individuelles incitent l’imaginaire à parodier le réel dans une autre dimension. Tout se passe comme si nous étions confrontés à la présence de quelqu’un d’autre en nous-mêmes. Nos rencontres s’opèrent dans un bocal où les poissons rouges s’imaginent l’étendue hors du verre frontière qui les retient.
Je suppose qu’il faut parvenir à nous détacher. Mais de quoi ? De l’ombre qui nous suit derrière la lumière ? Où que nous soyons, il n’y a pas de place pour nous accueillir. Notre mémoire n’habite aucun pays. La patrie du souvenir s’étend à perte de vue. Nous brillons de l’extase de nos ombres. Les ruelles que nous empruntons mènent toutes à la clé des rêves que nous habitons comme un espace délimité à l’infini.
Nos morts souterraines ont creusé des milliers de tunnels. Nous nous rejoignons de l’intérieur. Chaque excavation et chaque crevasse sont une main tendue au désir de nous fondre l’un dans l’autre.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©