Ecrire ?

Il est des jours où les mots entrent dans ma bouche comme une catastrophe. Ma main les écrit sans trembler, pourtant ils vacillent et font s’écrouler le monde qui m’entoure. Je ferme les yeux et, sous mes paupières un peu lourdes, naissent des paysages extirpés des ténèbres. Des papillons jouent prés d’un tronc échoué sur la plage déserte. Des mouettes crissent sur le ciel devenu une ardoise. Un chien errant cherche un repas possible.

Tu n’es plus là.

La souffrance sentimentale tue aussi sûrement qu’un matador. La nudité de la vérité s’habille en banderilles puis en épée. Des odeurs de sang et de fougue rouvrent mes yeux. Des pas légers que nous avions pourtant enterrés reviennent cogner à mes oreilles. Nous avons dû mal fermer la porte ! Des vitrines de poussière ancienne hululent dans la nuit que nous croyions nôtre. Nous sommes un des supports du temps et nos émotions sont des braises mal éteintes emboîtées à la pierre. On se ressource à l’énergie de la matière et non à ses formes.

Le pur jaillissement est une énigme. Le langage se perd dans les cerceaux surréalistes et nos langues prêchent l’inexprimable sensualité qui se distingue dans les fourrages de l’intuition. L’instinct est parfois une lettre d’indigence que rien ne sait étancher. Je vis toujours dans la morsure du présent qui te révèle. 

Ecrire ? Tu es mon prompteur, je suis ton transcripteur.

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©