Nos solitudes portent le nom de l’autre.
Il faut reprendre souffle. Des milliers d’heures vacantes sont restées dans la brume. Nos gestes ressemblent à des faucilles taillant la haie d’ombres qui nous entoure. Nos regards penchés vers le bas scrutent silencieusement le sol où sont tombées nos étoiles. Le mouvement sarcle encore les vestiges de la mémoire. Des amas d’oubli sont à la dérive. L’éloignement nous rapproche infiniment. Mon désespoir dans sa crue colossale a submergé la distance. Devant nous, les landes nostalgiques épousent l’ardeur qui nous hisse l’un à l’autre comme un secours répond à la détresse.
Nous ne saurons pas dire l’enfer qui s’infiltre dans notre épanchement. Nos cœurs sont liés à nos âmes sans que nous puissions extirper la moindre petite intimité. Je reprends la marche tournante qui me ramène incessamment à toi. Rien ne peut être recommencé. Tout circule vers des voies nouvelles. Seuls, nous prétendons à la fusion absolue. Nos pas s’emboîtent comme des gants vibrant d’une autre vie.
Ecrire s’atrophie par le manque. Quelque chose incarne le vide à notre place. Je t’écris pour parjurer l’hypocrisie du temps qui semble nous conduire à des renaissances factices. Je t’écris pour recomposer mes remords afin d’apaiser le souvenir. On ne peut pas s’accrocher aux mots, je prends ceux qui viennent avant qu’ils ne quittent mes pensées. Nos solitudes portent le nom de l’autre coincé au travers de nos gorges. Et puis, les mots nous éventrent. Ils s’expulsent de nos chairs crues. Ils nous vident comme de vieux sacs remplis d’écume sèche et pourrissante.
J’ai beau me forcer, je ne me souviens pas du son de ta voix. Elle est si lointaine que n’importe quelle eau claire me laisse dans le doute. Pourtant, tu me parles encore. Mais, c’est avec ma voix que je t’interprète.Des grappes de mots microscopiques affluent par la gouttière purulente d’une musique restée au fond du puits. De légères remontées d’eau fluide frappent mes tempes.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©