Nostalgie étouffée au fond de la gorge.
Mon amour a mille doigts et autant d’accords. Il joue de la mandoline sans connaître le solfège. Il voyage sans jamais faire ses valises. Il toque à la porte, même si la maison est vide. Nous courons le temps alors que l’amour nous offre son éternité. Je n’ai plus peur de ta mort. Je n’ai plus peur du futur qui soulève mon présent.
Il est inutile d’affronter la mort avec angoisse. Elle viendra forcément décapiter toute clairvoyance. Elle libérera par sa fuite inimaginable toute l’ardeur avec laquelle je brosse la vitre qui nous sépare.
Nous sommes des vrilles tourbillonnantes qui veulent pénétrer le fuselage du meilleur. Nous vivons de nos morts latentes et des dépôts entartrés sous nos paupières. Nous survivons à notre destin grâce au désir obstiné d’en découdre avec nos langues corrompues d’hypothèses gratuites. Nous portons le deuil de nous-mêmes et nos cadavres sont devenus des orbites sondant l’inconnu. Nous ne décidons plus du fardeau qui nous encombre.
Il y a toi, puis cette étendue libre où naît le mot, cette olive sans noyau et ce gouvernail enseveli de regrets devenus des algues dures.
Nostalgie étouffée au fond de la gorge. La suffocation a réduit l’espace des rires. Toute ma liberté d’être se retrouve gangrenée, opacifiée comme cette lune qui tombe du ciel parce que trop lourde et trop gribouillée. Elle glisse et s’effondre comme une bibliothèque trop chargée par les mots qui transportent ton sang jusqu’à ma bouche.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©