Une vie en tout lieu.
L’existence est mécréante lorsqu’elle atrophie nos membres et nous laisse sans défense face à la violence du monde. Nous sommes dépourvus d’autorité sur cette façade au destin pugnace. Toute l’eau qui court devant nos pieds dévale comme un bolide sans passager. La nuit dilue le cri de la mer. Des poissons aveugles nagent entre deux eaux. Et le bruit des vagues prolonge les frissons nocturnes qui se répandent jusqu’aux rochers. Le blé de nos paroles se frictionne sous la meule des ans et nous nous partageons comme du pain sous la dent pointue de nos ardeurs. Sans comprendre, nos ventres se referment. Une source intérieure plus proche que la peur, plus nue que la candeur, nous offre la rosée de l’heure nouvelle.
Il n’est plus possible de dire l’heure décalée, la vie tient toute seule sur l’aiguille de l’horloge.
Je te courtise dans la chair du silence d’ébène. Je cède encore à l'intensité de notre engagement. Plus qu’un cheveu dans la soupe de l’air, nous sommes ce que nous rêvons.
Un temps puis un autre, un temps couvert et plié dans la poisse molle d’une demi-teinte. Des particules d’amour essuient le souffle humide qui s’échappe. Une ligne biscornue précède le murmure de l’eau. Des heures simples, lentes, s’accoutument aux cercles de l’horloge. Dans le fossé de l’ignorance, la clarté coule claire comme le jour entre les feuilles du micocoulier. Tu reviens du silence horizontal où ton corps n’a pas de trace. Tu t’ouvres comme une fleur où le bruit se fragmente sur chaque pétale. Tu régénères le caillou fendu et la brèche où le feu n’a plus lieu. Tu es l’escale, la pause et la halte où s’altèrent les ombres promises à la lumière.
La musique s’épisse comme un fil gainé, un fil délacé où le souffle recommence une vie en tout lieu. C’est le départ. Nos songes en sueur surpassent le temps accompli. Un instant, la mousse bleue du ciel touche l’écume qui mord le sel. Chaque forme radicale improvise l’absence.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©