Des mirages cloués à nos corps.
Nous dormons dans le chant des oiseaux et nous nous réveillons d’un cil aux marées montantes. L’espoir a un corps. La vie ruisselle entre nos grappes d’écume. Une vigne longe nos balcons de brume.
Pourvu que la joie demeure la nourrice du temps ! La fumée se durcit et devient un soleil dans le verre que nous buvons.
Pas de balivernes, pas à toi ! Tu sais pertinemment que nous sommes toujours les boulets de quelque chose. Nos peurs sont des boules d’angoisse, des sphères invisibles qui dévalent les pentes des montagnes à une vitesse incroyable. Elles se cognent aux pierres et aux rochers. Elles se heurtent aux arbres et aux esprits et elles terminent leurs courses folles dans les bras de l’absurde.
La réalité est toujours absurde lorsqu’elle nous ramène poings et mains liées à sa démesure. Et, ici, plus rien ne pourrait justifier la privation. Une connaissance homérique nous emporte plus loin.
Sous le bois rafraîchi, nous tentons l’exode. Nos voix retouchent toujours plus loin l’atmosphère des foudres anciennes. Des mirages cloués à nos corps entretiennent une poésie saisonnière restée en dehors du temps. Nos plaies sont de l’eau et de l’air conjugués. Il devient nécessaire de saisir in extenso la joie dans la veine jugulaire où s’écoule la plénitude qui lui donne le goût de l’enchantement.
Faut-il céder au chantage de l’amour ? L’amour est notre délire et notre folie : il nous crucifie à notre histoire. Il faut soutirer les débris des décombres s'il en reste.
Je ne cesse de négocier avec ta disparition. L’illusion féroce déchiquette le souvenir et lui casse les membres. Ma langue avance avec ses deux cannes blanches. Les mots marchent dans le tâtonnement provoqué par leur cécité. Mais, ici, tout est un paysage infirme. Tout m’oblige à tenir debout sur la jambe que je n’ai plus.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©