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LA COLLINE AUX CIGALES
12 juin 2013

Une goutte de rien fait office de phare.

Inspite_Of_Nothing_2010_Adrian_WaggonerUne miette d’aube dérive sur le coin de mes yeux et je flotte sur l’écume que le vent emporte. Je n’ai plus peur de la mort, je ne redoute plus la marée où se noient les marches anciennes. Les nuits d’éclipse totale, j’irais manger sur les ressacs silencieux dormant dans la chair des vagues. J’irai désinfecter l’amour de ses transes fiévreuses et je viendrai me ressourcer dans le puits où meuglent les rumeurs de fin du monde. Derrière la plage, des grains de sable se lavent sous les étoiles et mon cœur craque comme une digue rompue par trop de tempête. Ecrire, c’est s’acquitter d’un nécessaire devoir de communication. Ecrire, c’est mettre du corps dans la pensée pour traduire une part du silence. D’ailleurs, je n’écris plus pour raconter mais pour déficeler la lagune d’ombres restée coincée dans mes alpages. 

Je suis perdu, vraiment perdu. Je suis complètement dispersé lorsque le réel empiète de toutes parts l’image que je me suis faite de moi. Je ne sais plus retrouver la profondeur qui m’anime autrement que dans l’épreuve. Je ne sais plus rien des misères du monde. Seul à boiter dans ma maison, limité à penser ce que je vois sans pouvoir l’interpréter par mes sens. Je suis réduit dans une nuit sans couleur brodée au-dessus de la mer et je cherche ma voix dans le concert des vagues. 

Nos souffles sont restés dans l’abandon. Le silence se souvient et fait œuvre charitable en ne pipant mot. Il sait l’inutile manifestation du bruit. La raison se démantèle sobrement laissant place à l’assaut du vide. Une goutte de rien fait office de phare. 

Mais ta poussière est un vacarme. Mitraille ferreuse au bout des doigts, catapulte des décombres d’une vie cerclée dans l’épuisement. Le vide de ton corps est un vide ouvert. L’arrêt de ton cœur n’a rien enlevé à la chamade des voix fantômes qui recouvrent les pierres. Sur le marbre terni par le temps, l’inscription suivante : « ci-gît le repos éternel » est une entourloupe. Le repos ne se repentit pas. Il n’existe pas. Vois combien tout s’agite à l’intérieur de nos vergers tendres. Les pommes et les fleurs se chahutent. Je manque de toi et l’air en dentelles, si minces, laboure durement l’ombre que tu n’habites plus. Ton regard n’est plus là pour que je m’y accroche. La paix n’a plus de visage. Il faudrait renommer la vie, la mort, la terre et l’amour. Le silence se gèle. Toute la nuit devine le jour comme toute la vie discerne les autres sphères de l’invisible. L’odeur de la pierre sèche rappelle celui de la terre qui respire après l’orage. Il y a encore toutes ces ornières qui poussent dans le reflet des lumières comme des clous pointus déchirant la blancheur. Et puis, une autre forme d’autisme suinte du poème d’amour vidé de ses mots. Le cri n’est plus efficace. Tes os s’aèrent et moi j’étouffe.  

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

 

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Commentaires
I
encore un très beau texte B. Sensible et acéré comme un diamant. <br /> <br /> Bonne journée à toi;)
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