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LA COLLINE AUX CIGALES
5 avril 2013

Le temps est ce qui dépasse.

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Nos existences clignent des paupières comme des lumières d’ambulance. Nos souffles s’enveloppent d’herbes fanées et nous ne subsistons plus que dans l’arrachement des lavandes les soirs de pleine lune. Une étoile éclaire le sablier invisible qui vide son écume sur les rêves du bonheur. Cependant, je préfère ma nuit à tout autre. Fantassin de l’éclipse, je me retire du jour bruyant comme une lampe que l’on éteint par intermittence.

Compagnons de chiffon, mes sourires rampent sous le noir foulard de l’heure. Voilà ton liquide phosphorescent qui se répand sur l’autre face de la lune. J’ai un cadran jaune dégoulinant de mes yeux.

Je tiens en moi ton baiser comme le socle du nuage où le blanc s’essouffle. Tout le temps s’improvise de ses pertes. Je suce à l’instant le peu d’abandon qu’il me concède.

Ce matin, ton cœur est revenu du cimetière, refusant de s’endormir entre les stèles de pierre et les paradis arbitraires. Il marche sur une jambe traînant avec lui des aubes défraîchies. Il est debout sur ma langue criant à la mer de se retirer du port où il a laissé des ancres encore toutes fraîches.

Oui, c’est un cœur marin navigant aux quatre coins du monde. Il s’accroche aux voiles et va où le vent le porte. Il connaît l’Asie, le Groenland et la Normandie. C’est un routier, un nomade, un globe-trotter.  

Ce matin, ton cœur est revenu avec le vent qui siffle dans un coquillage. Il a le visage d’un harpon et les mains pleines d’écailles de nacre. Des poissons se cachent dans les algues et la mer est devenue un sans fond imprononçable.

Tu as le cœur des histoires inachevées et sans attache. Je l’ai vu quelquefois amarré dans des carrières de sable. Mais jamais plus longtemps qu’un silence d’été ou qu’une escale printanière.  

Ce matin, ton cœur est revenu tout nu dans un vide captif où je contemple, dans la lenteur de la mort, le rouge vermillon des ciels remplis d’audace sans vigueur. Plus rien ne brille en dehors de cet accordéon de mémoire où sanglotent quelques notes perdues. Des La, des Mi et des Si. Beaucoup de conditionnels sur un présent qui se consume comme un papier d’Arménie. 

Ce matin, c’est ma vie qui ausculte le brouillard déboisé de toutes les jungles du monde dans la profondeur des volcans. 

Il est des jours où l’espérance est une promenade figée. Où elle remue sur place. Où elle pédale dans l’abstinence désolée des fonds de tiroirs jamais ouverts. Il est des jours de frigidité incommensurable, des jours de stagnation indéboulonnable. J’aurais bien voulu bâtir ma maison autour de ton visage. Mais la langue est basse. Elle penche sur l’heure qui l’ignore. Ma voix est restée dans les nuages où tu t’es accrochée comme un serpentin incolore. L’instant est dans l’explosion, dans l’irréversible de son héritage. Il féconde et accouche les balbutiements qui s’amoncellent sous ma peau. Le temps est ce qui dépasse. Le temps est ce qui comprime. Le passé s'éloigne toujours plus et le présent sombre dans ce qui n'est déjà plus. Rien ne peut retenir notre univers temporel, nous habitons l’estomac de l’heure que nous digérons.

  

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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