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LA COLLINE AUX CIGALES
14 janvier 2013

A quoi sert-il de se raconter ?

SABBAG_1J’apprends à discerner de ton absence la vacuité immature. Le leurre du vide. J’apprends à désemmurer l’air.  Parce qu’ici le rêve est un vestibule obscur où s’entasse le réel comme un cauchemar. Une secousse grincheuse désavoue le bonheur d’exister.

Peut-être est-il ailleurs, peut-être s’est-il dissimulé dans les foudres de la terre, replié au fond des cratères, au fond des abîmes, au fond des béances naturelles. Peut-être est-il dans le fond de chaque chose et de chaque être, caché comme un trésor inaccessible. Il rejaillit pourtant quelques fois par surprise. Il traverse les limons, les tourbes durcies, les cœurs endormis. Il vient caresser les joues de l’aube qui se lève et nous emporte avec lui dans sa lumière transitoire, dans sa brillance lustrée comme des chaussures neuves. Peut-être, marchons-nous sur la lumière dispersée dans sa prière. Peut-être, sommes-nous étourdis dans cette vague creuse, évaporés dans cette gorgée de vie où se construisent les chemins des prisonniers évadés.

Je ne sais rien, ou si peu, de la suffisance. Avoir assez, n'est qu'une formule irrationnelle qui sous-entend mettre un terme à bien davantage. Je ne sais rien. Derrière la parole, il y a le feu. Derrière l’air, il y a l’apparence qui retient son souffle.   

Disparaître. Il faut disparaître de soi. Aller ailleurs. Rien dans mon crâne n’est étalé comme je le suppose. Une table pleine d’objets anonymes n’est qu’une table rase. Vidée, sans rien. Tout est installé dans un amalgame de ressentis. Moi, toi, les autres, l’existence… et l’ignorance. Je ne peux pourtant me désavouer à ce point culminant de moi-même. Mon ego comme une plaie nécessaire. Un charbon, un gisement naturel sous l’écorce vitale.   

Ne devant rien saisir, il me faut accueillir. Que pourrais-je t’offrir d’autre que cette sincérité ? Oui, je souhaite disparaître de moi, à l’intérieur de moi. Ne plus être moi. Je voudrais être le seau que l’on nettoie, la parole arrachée à la chaleur, le vide craquant caché derrière la sueur de la terre. Je sais ne plus être qu’une main ouverte comme un fruit éventré.

C'est involontairement que je me rends compte que l’on peut vivre des mêmes raisons qui nous conduisent à disparaître de façon irrémédiable dans le tarissement de nos propres révoltes. C’est incidemment que je te reconnais incrémentée dans le miroir où mes yeux se posent. C’est dans l'avoir et la dépossession que l'être-en-soi se déchire. Je veux être nu une dernière fois. Je veux m’arracher à la terreur qui s’impose des oripeaux insaturés. Enfant, je croyais au loup et aux méchants fantômes qui punissaient parce qu’on dérogeait à la morale, à l’éducation qui sépare le bien du mal, au respect sévère de la droiture des moeurs. Et, je m’imposais l’ordre et la vertu, et je me soumettais à la crainte que j’avais de les contourner. 

Que veut dire exister ? Que veut dire espérer ?

Espérer n’est-ce pas exister ? Ce n’est pas véritablement toi que je veux, mais, moi, que je désire absolument. Me voilà contrarié.

Tout ce que j’imaginais comme une démarche altruiste n’est finalement qu’une supercherie, qu’un maquillage de ma propre considération. Je t’envisage est c’est déjà une illusion. Je te croise et t’amplifie et c’est la bagarre entre ce qui est et ce que j’aimerais qu’il soit.

Peut-être, ne suis-je qu’une matière animée dépassée par l’événement d’être.

A quoi sert-il de se raconter ? Je n’en sais rien. Pourquoi se raconter ? Des milliers de raisons affluent mais une seule demeure déterminante : être soi. C'est-à-dire se sentir digne, fier ; résonner de l’estime que l’on s’accorde ; claquer avec la lumière du dedans.

Que restera-t-il de cet extravagance de l’ego ? Aimer, est-ce s’accorder avec soi même ? Aimer, est-ce concéder à la raison sa puissance et sa légitimité ?

Que veut dire exister ? Que veut dire espérer ?

Non ! Cela ne peut se résumer à s’étoffer de mille qualités afin de contrarier le destin !

 

 

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Commentaires
I
B., avec quelle acuité, quelle justesse, vous allez au coeur de la question ! Le scalpel est délicat, précis, incisif. Je me permets de relayer sur mon blog un extrait qui me touche tout particulièrement en ce moment. Le chemin vers la plus grande intégrité de soi est parfois entravé mais la réflexion d'autrui peut aussi l'éclairer. Merci.
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