Je me quitte peu à peu.
Ce tracé de couleurs m’a parcouru. Du bleu, du vert, du jaune et du rouge. J’ai reçu. Je suis convaincu que tu as pardonné à chacun. A tous. J’attendais ce que je savais déjà : ton pardon. En prendre conscience m’éclaire. De nouvelles lumières m’aideront à continuer et à recoudre l’amour depuis sa naissance. Aujourd’hui est un bon jour pour tout reprendre à son commencement. Peu importe où nous avons cessé la marche. Nous sommes de la liqueur dans l’air. Et, je te respire à pleins poumons.
Il y a de nouvelles couleurs, des parfums sucrés, des mots cachés dans le mur. Ce mur droit et sans porte. Cette muraille où chaque pierre scellée a conservé un peu de ciel et de prairie. Ce mur comme un rempart à l’amour plus haut que nous-mêmes. Il n’a plus de gravité. Il déambule à l’horizon. Il vagabonde comme nous.
Il y a d’autres mers, d’autres navires. J’en suis sûr désormais. Il y a une autre hauteur où les cris sont inscrits dans les gènes du temps. Spontanément, j’habite un lieu qui devient moi. Je redeviens un avenir en construction. Je le sens.
Mon impuissance, tu vois, est rageuse. Sur les débris des heures qui resurgissent toujours, je me retrempe dans ta mort pour ne penser plus qu’à moi.
Sans doute ce qui nous quitte nous agrandit. Visages précieux gommés sur la chair tendre de l’aube. Cette incohérence de l’invisible me fait admettre l’insurrection des ombres, et en même temps, elle m’accorde avec le ressentiment aveugle de la disparition. J’avance d’un pas.
Plus je m’approche du réel, plus il m’échappe. Il va trop vite. Il me sidère.
Réalité exaltante et écoeurante. Le mot s’évade comme une poudre aux yeux.
Mes sentiments sont jetés en pâture à l’avaloir de l’illusion.
Pourtant, mon égarement cloque et se boursoufle dans l’abyssal de tes vides. Chaque halte, chaque pause et chaque répit, te ressemblent comme deux gouttes d’eau inscrites sur le mur apaisé de cette reconstruction décalée. Engloutis dans ton écume, la brume est un grain de sable dans le désert laissé par ton ombre.
Je me quitte peu à peu. Chaque jour. Je m’affronte et me déloge. Je me retiens et me relâche comme une fripe tenue au bout d’un élastique.
Ce n’est pas la réalité qui se retire comme la vague mourante, c’est mon refus de la voir si intransigeante. Inéluctablement, dans la durée, je m’agrandis de cet espace que tu as ouvert en moi.