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LA COLLINE AUX CIGALES
17 octobre 2012

Tout est suspension.

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Depuis ton départ, chaque nuit, je relis le jour. La blessure à l’air libre me fait dire autre chose. L’absence est une porte d’ébène infranchissable. Je crois qu’écrire ne veut rien dire. Tu le vois bien, tous les mots s’enfoncent dans le vide comme d’énormes clous auxquels chacun s’accroche comme une mouche à son cheval. Mais tout ce qui se termine n’achève pas le début, n’achève rien. Tout est suspension. Linge étendu au poteau des exécutions probantes. Dérisoire parcours d’éphémère, des gouttes d’amour par milliers perlent sur nos fronts impuissants, semant dans nos territoires docilement endormis la graille poudreuse de nos stérilités, de nos semences défectueuses. Il m’arrive de penser qu’écrire ne dit rien. Vraiment rien. Tout juste l’exclamation lacérée de la langue, l’enlacement des mots sous la dent confuse qui les rumine. Tout juste toi au fond de ma gorge, entortillée dans le souffle et la salive. Tout juste un clapotement. Une onde allongée sur un paysage découpé au laser. Des coups d’épée, des coups de langue, des coups de barre. Le coup fourré d’une exclamation nourrie par trop de miasmes querelleurs. Querelleurs, parce que dans l’amour se trouve trop de vengeance, trop de sensations à combler, trop d’inaboutis laissés en jachère. Trop de peine.

Et puis, rien. Et, puis la sensation que les signes partagés collapsent. Que la punaise enfoncée dans le mur pour y accrocher ta photo cède sous le poids d’une image devenue trop lourde de son contenu amoureux. Que la photo est à terre, à la merci du moindre souffle, du moindre frôlement de pensée et qu’elle va s’envoler au loin, qu’elle va devenir définitivement inaccessible. Que tu ne seras plus jamais à la portée de ma voix. Alors, la peur de te perdre à nouveau m’affole, me blanchit comme le visage livide d’un prisonnier que l’on conduit à l’échafaud. 

Je voudrais pourtant t’écrire dans l’amitié des mots, dans leur capacité à emporter l’émotion que je ressens pour la traduire au cœur de ta mansuétude réceptive. En fait, je voudrais t’écrire parce que je n’ai jamais su vraiment te parler. Il me faut d’ailleurs m’arrêter un instant sur ce mot : « amitié ». Que veut-il dire ? Et qu’exprime-t-il ?

L’amitié dont je te parle ne se vit qu’à deux. La nôtre, plus que tout autre. Et il nous a fallu prodiguer mille et une contrariétés à la déchéance qui nous entoure pour lui conférer une chaleur confraternelle. Pour accéder à cet amour qui ne manque de rien. Si ce n’est de tout.

Nos frugalités se sont rencontrées comme deux ruisseaux se jettent dans un troisième plus grand et plus avide. Nous nous sommes élargis par la philia que les grecs ont évoqué telle une vertu. Et, nous avons abrogé la force de nos âmes pour nous adonner tout entier au sentiment qui fait battre nos cœurs comme des tambours de soie. Oubliant toutefois de nous aimer plus que nous-mêmes. L’impact de cette collision tendre nous avait logés dans des profondeurs sourdes. Aussi sourdes que la vallée dans laquelle nous avons crié ensemble et dont seul l’écho de nos transes nous était revenu au visage comme un rayon de soleil noyé dans la brume. Tu es partie trop vite. J’hérite de ton absence. Et, elle me lègue tous ces encombrements dont tu n’as su te libérer. Tous ces actes manqués auxquels nous n’avons pas échappés. Noyau sur lequel le fruit s’enrobe, source déconcertante de poésie, ardoise effacée puis réécrite, puis effacée et réécrite à nouveau, mille fois. Mais, rien ne s’efface vraiment puisque nous durons.

 

 

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Commentaires
L
Comme je comprends ce décalage ressenti. Je me dédouane des mots en les écrivant, ce qui par ailleurs ne m’empêche en rien de vivre et d’exister dans l’immédiat.<br /> <br /> Merci de ta lecture, Ballovol.
C
des mots, que des mots encore des mots. <br /> <br /> tu vis dans les mots, que des mots. <br /> <br /> des mots, ds musiques, des poèmes, des ciels, des mots, des musiques des poèmes, des ciels, des rêves. <br /> <br /> <br /> <br /> et on parle d'amour et d'amitié ?<br /> <br /> <br /> <br /> sans déconner. <br /> <br /> <br /> <br /> des mots, des mots, des mots, des souffles, des torsions, des distorsions, des tremolos dans les voix, des rivières dans les gorges, des tremblements, des sanglots, des courants d'air, des tressaillements, des défaillances<br /> <br /> <br /> <br /> des vies<br /> <br /> <br /> <br /> mais<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> que des mots, que des mots, que des mots. <br /> <br /> <br /> <br /> certes beaux.<br /> <br /> très<br /> <br /> <br /> <br /> beaux<br /> <br /> <br /> <br /> mais qui ne sentent pas aussi bon qu'un bon risotto.<br /> <br /> parole d'amitié.
L
Merci If.
I
superbeautexte;)
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