Plus loin que le silence.
On ne dit rien. Il n’y a rien à dire. Une bouchée d’immédiat sur si peu d’horizon. Tout est rétréci dans ce monde de rescapés. Le cœur masqué, les yeux voilés, l’aube raconte sa dernière histoire. Sur le dos du vent s’en vont les baisers imbibés de déserts moites. Il est l’heure de repeupler la solitude de mille feux, de mille ogives bavardes. Nos voix sous la roche burinent et burinent encore. Les vagues ont compris le silence qui s’enroule au loin dans les meules de foin. La mer porte en son ventre le royaume des aveugles. On ne dit rien. On ne sait rien. Des corps passent dans l’air, sur le perchoir trafiqué de nos mémoires veuves. Par ici, une lune, par là, un ravin. Nos pieds sont dans la chaussure de la lumière qui bouge. Tu viens vers moi comme une première fois. Tes pas sont lents et légers. Tes cheveux sont poudrés d’étincelles. Je ne sais pas la consolation qui vient. La vie attend. Elle désespère dans ses mailles de briques et d’empreintes. Au bout du fil, sur le sable, plus loin que l’ennui, plus haut que le peigne des âmes. Elle accomplit des froufrous chagrins et puis elle s’effiloche comme une ballerine essoufflée. Le bleu retourne sous la chaumière des étoiles. Tu viens toujours entre les pages, avec les mots. Et tu poudres, et tu poudres la blancheur presque figée du courage de la patience. Prés de la fontaine, un cyprès chante la plage de la garrigue, nos cœurs enfouis sous le sable des mots léthargiques. Nos sangs plongent dans la nuit. Les jours comptés se déracinent des saisons. L’alphabet est couché dans le berceau où repose l’espérance brute comme une masse nouée à l’air irrespirable.
Un souffle se noie. Il trace le chemin invisible qui rejoint le temps palpitant. On ne voit rien, on sait si peu. Les mains sont des prières sans voix. Croisées puis décroisées, elles plient comme nos regards tendus vers d’autres contrées. Elles caressent le jour qui se détord.
Chaque instant qui vient devrait être un deuil de moins, une opportunité ouverte, un champ d’avoine devant nos bergeries. Chaque lampe qui s’éclaire devrait inscrire le blanc sur le marbre noirci. Demain arrive si vite qu’il froisse les remparts qui t’enserrent. Demain est un sillon de terre aussi étroit qu’un jour sans toi. Je marche dans ses fentes. L’heure est fêlée et moi aussi. Une glue noire s’écoule de mes vides.
L’amour doit à l’émerveillement de briller comme un rubis mélangé à la terre jaune et pourpre. Derrière nos pas résonnent les grottes que nous n’avons pas visitées. L’innocence s’enfuit. Nos peaux sont sèches comme des troncs d’oliviers millénaires. Je dégorge d’une sève qui n’est plus mienne. Au commencement d’une histoire, la fin de la lumière accroît le cœur délesté dans l’ombre d’un pied de thym.