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LA COLLINE AUX CIGALES
24 mai 2012

Un éclair dans la disparition.

manguin_baigneuse_copieNous sommes le passé du temps que nous avons cru bâtir. A l’intérieur du miroir, l’éponge a séché toute réécriture et la porte rongée de notre labyrinthe s’est refermée, conservant à l’abri des vents une pointe d’infini incolore. Quelques instants saisissables prolongent l’ombre de ce que nous sommes dans un tourbillon de gris où une forme de décomposition nous guette.

Cette nuit, mon sommeil a branlé comme une cymbale d’acier dans un abîme illimité, et le rêve que je faisais m’a projeté sur les créneaux du vide. Une eau de feu a traversé ma gorge, un météore indistinct a crevé la peau du ciel. Je me suis assis sur un nuage et tout a disparu. Nous habitions une demeure indicible au cœur du déclin. Nos heures communes flottaient au-dessus d’un squelette qui n’était pas le mien. J’étais dépossédé de cette chair fiévreuse avec la même indifférence que si j’étais un objet.

Une lumière ambiguë tricotait sa laine de visages brouillons. Le temps désincarné s’accordait un répit. Sans doute, mon inconscient expiait sa pitance dans un dernier souffle. J’ai du errer comme cela toute la nuit à l’intérieur de bulles d’air anonymes. Et sous mes paupières, un puits sans fond s’est creusé.

Nous sommes, à présent, soudés au vide. Plus rien ne nous retient en dehors de ce lien indéfini que l’oubli accorde à la mémoire des papillons.

Je te déserte. L’intimité potelée de ma chair t’a interné dans mon sang. Tu grouilles à l’intérieur de la face cachée de l’existence. Tu as fais ton lit sur les battements de mon cœur.

Je t’ai perdu et je ne sais plus dire comment est le monde que je vois. Tu n’existes plus et je dois regarder au travers des lamelles d’ombre pour corrompre le leurre de l’absence. La réconciliation parle à l’être silencieux qui sommeille dans ma poitrine. Je pénètre doucement l’espace où tu manques. Mais, je laisse ouverte la porte derrière moi. Sait-on jamais, il me faudra peut-être rebrousser chemin à toute allure. Dans le retrait de la lumière, je découvre des parfums insolites. Ta voix est une pêche, ton visage sent la naphtaline et tes doigts baignent dans l’éther. Je vais à la rencontre de ma peur.

L’amour n’existe que dans la confiance, aussi je pose mes pas sur le paysage que tu m’offres. Je suis une terre où le jour attend de se dire. Je feuillette les carnets de l’absence et je me rends compte combien je suis moi-même en dehors de moi. Je me retourne et tu es dans mon visage. Je fais mine d’aller à droite et je me cogne à tes lèvres, je fais un pas à gauche et je suis nez à nez avec tes joues.

Avant d’être une opinion, l’écriture est d’abord une décharge, un dégrèvement. Je retrouve une multitude de petits cailloux jaune et bleu dans ses refoulements. 

Me taire et regarder. Rompre et respirer. Par moment, une nuée d'indifférence me sépare du monde réel et je frôle l’insignifiant. Et puis, parfois, je suis brutalement stoppé par la main invisible du hasard. Des bateaux et des oiseaux coiffent mes yeux. L’éveil frémit, et dans l’urgence à vivre, je me mondialise, je m’universalise. Mes larmes sont des gouttes de cristal qui se déversent sur des arcs-en-ciel timides et souvent ignorés. Mes pensées effleurent le doute. J’interroge l’existence d’un monde parallèle, d’un monde presque parfait : celui où chacun évolue dans les instants volés.

Quelquefois, des mots venus de je ne sais où, accompagnent les moindres gestes et dans les moindres replis du corps, je les entends souffrir cette vie qui se délite et s'enfuit. Nous sommes une lueur que pour nous-mêmes dans ces moments incandescents. Il y a quelques années, l’existence m’a conduit jusqu’aux racines des vagues, leurs roulis incessant m’enfermaient dans leurs chutes violentes. Mais, tu m’as fait remonter vivant au-dessus des eaux. Depuis, mon cœur est un trou dans l’amour. Ma poitrine lourde de nuages, j’étends mes oasis purulents imbibés de visages absents sur des marais où tout s’enfonce. Jamais deux sans toi, j’apprends à recompter !

Une part de moi te suit sur le chemin que je fais à l’envers, l'autre ricane et s'enfuit en courant. Il faut laisser-faire à sa guise le temps qui emporte les saisons. De brèves attentes enfourchent l’aube comme un cheval fou. Ce n’est plus le rêve qui chaparde du bleu à l’austère gris des ciels de providence. Ce sont mes mains et mon cœur qui replient les ombres chimériques du renoncement. Le spectre nonchalant des pertes essentielles se fracasse les os sur la volonté du jour qui revient. Des pensées bruyantes, incompréhensibles et pitoyables s’échouent sur la colline de notre enfance. Tu tiens sur tes épaules toute la fiction du monde. Tu portes dans tes bras le bouquet de lavande et de boutons d’or que nous allons déposer sur notre tombe. Nous sommes dehors, comme des pierres qui recouvrent. Nous nous faisons des signes, notre mort ne répond pas. La garrigue est désordonnée, dérangée, déstructurée ; elle n’est qu’espérance. Nous avons rejoint les mailles de la dépossession.

 

 

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