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LA COLLINE AUX CIGALES
18 avril 2012

Jets de sable.

13815257872_fJq8QA l’effeuillé du vacillement, des temps mitoyens sur des racines de pierre, semelles au vent, le temps, inéluctablement, nous sépare : nous avons laissé sur le bord du sentier des témoignages gravés, des estampes de foudre sur des murs effondrés, et puis ta bouche gramophone des songes bercés au fond de tes couloirs de paille… Demain est sans étapes, dans la traversée du jour et de la nuit, déplié comme le corps d’une jambe amputée, et puis, hier décordé, lâché au vent, derrière des rideaux de velours où s’étoffe la poussière de nos chemins.

De la crue des heures nauséabondes débordent des ricochets insonores. Des tâches bleuâtres se sont déposées sur les bords de nos photos d’antan. Paradoxalement, nos illusions sont pigmentées d’horizons toujours plus vastes. Nos lits de tendresse sont la reconversion des bateaux de feu où pleuvait l’espérance de nos touchers sur des architectures desséchés, et maintenant pourrissantes. Nos troncs concaves servent maintenant d’embarcations à nos désenchantements, à nos déliquescences embourbées dans cette perdition commune.  

Jets de sable sur nos façades salies, épures d’ammoniaque imbibant le blanc coton de nos mots devenus de la farine grumeleuse sur les écoutilles de nos désirs. Nos souhaits sont perlés d’excrétions languissantes. Inabreuvées. 

Biseau d’argile usé attestant l’érosion, nos mies durcies aux prises du vent, nos souffles saccadés comme des respirations haletantes rivées à nos courses dérisoires, promptes à nous étancher de la coulure de nos fantômes. 

Ondulations déviant l’intime souhait d’accolades. Brisures de l’eau qui recouvre. Incisions de nos mémoires. Désencombrements des moments emphatiques où se tissent les prières en cortèges de vœux inabordables. Vague après vague, l’étonnement s’amoncelle dans la nacelle de tes yeux. Couleur pourpre sous tes paupières, à l’écart des tisons pourtant. Distance élaborée dans le sang qui ne sait rien des éphémères raccourcis. Ta peau murmure des fables contées dans l’enfance et de ton sein coule un lait de printemps caillé.

Sous la poussière l’acharnement à nous prendre dans nos bras. Nos exils pour nous rejoindre, nos forages dans les déserts imperméables, nous titubons de l’autre : à cloche-pied nos étamines s’ensemencent des bouffées que les frissons argumentent. Tu plies ta tête comme un drap au carré. Tu dévisses le cadran de l’horloge ovale où rebondit l’errance comme une balle dégonflée. Tu t’élances, tu tournoies, tu chutes à l’horizontale et nos âmes se greffent comme des rosiers malades de chlorose, envahis des pucerons de l’irrationnel et de l’irréfléchi.

Une cascade de lumière s’échoue dans le buvard de nos herbes, et tu te déverses comme un torrent en crue. Tu ensevelis toutes les berges où des oiseaux blancs s’envolaient et traversaient nos garrigues recouvertes d’un ciel de décombre et de démolitions sans vacarme. Les corbeaux n’ont plus de corps et nous ressemblent. Ils survolent le vertige qui s’engouffre dans nos coeurs serrés des mailles étroites, filtrant nos attentes comme une infusion de thym odorante. Nos breuvages suintent sur d’inconsolables courbes, mais nous survolons l’entrave et suffoquons des brasiers dans lesquels nous avions jeté nos mauvaises saisons. Nous émergerons plus loin dans le cambouis de nos sources fluettes, scindés à l’embrun de nos effervescences restées intactes. Nous fermerons les yeux pour nous attacher au jaillissement. Nous capturerons doucettement les discrètes lueurs qui s’étirent comme un corps au sortir du sommeil. 

A présent, nous nous effeuillons de nos misères abandonnées. Elles se détachent et tombent comme les ruines de particules de peaux mortes. Nous avons si longuement habité nos résurgences comme des moinillons occupent leur nid, une faim irréductible logeant nos piaillements. Nous sommes estourbies au taraud de nos fuselages. Nous becquetons nos plumes pour mesurer la vitesse du vent. Nos épidermes s’attardent dans l’ardeur douce des somnolences duveteuses. Nous sommes cependant projetés, nous sortons de nous-mêmes, quittant nos coquilles pour être nus de nos voix, nus de nos gestes où s’improvise un préambule à nos pitiés, à nos solitudes, à notre oisiveté crue. Nous sommes démantelés comme un alexandrin de fortune au cœur d’une poésie en chantier. Ici, tu l’entends, j’en suis sûr, un ersatz grossier s’échappe de nos ventres ébréchés. Une pure bouffée blanche s’évade de nos circonvolutions. Nous sommes aspirés par une spirale de braise où s’agite la faim renouvelée sur le buvard de nos apostrophes.

La désespérance est un soldat à la bataille. Il fracasse nos rêves dans la soudaineté de l’éveil. Seul l’inouï défroque les morsures du quotidien en des chairs d’émerveillement.

 

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Commentaires
B
Ile, je suis toujours touché par tes commentaires. J’apprécie ce regard : l’écriture doit ressembler à la plume de chacun si elle souhaite être cette voyageuse authentique qui nous transporte au-delà des mots. Ce texte est un extrait du récit que je travaille et dont j’espère proposer d’ici quelques mois la réalisation définitive à un éditeur.
B
jms, ton œil averti dispose de cette qualité sensuelle jointant la conscience avec le senti. Merci de ton encouragement.
I
Votre écriture a une présence drue (ce texte le démontre particulièrement), loin des sentiers battus ; et c'est toujours un moment de grande qualité que de vous lire.
J
"La désespérance est un soldat à la bataille. Il fracasse nos rêves dans la soudaineté de l’éveil. Seul l’inouï défroque les morsures du quotidien en des chairs d’émerveillement."<br /> <br /> Ici : toute l’élégance et l’implacable, d’une perception de l’inexorable du destin et de cette possible ouverture vers des échappées d’émerveillement. Magnifique !
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