Les ombres relèvent la tête. (1)
Une douceur triste plane au-dessus de la séparation. Je m’en retourne à toi traversant la page blanche qui me semble un glacier inaccessible. Le présent palpite et je tressaute. Notre communauté fraternelle a serti les heures doubles qui nous maintiennent au-dessus de la mémoire vivante. Elle couvre l’horizon perpétuel et sans date. La communion de notre duo est rompue sans être désactivée. Alors, je viens à toi comme lorsqu’on feuillette des photos anciennes et que l’on se remémore les images fixées sur le papier. Tout un amas de chair est revigoré par la densité du souvenir conservé dans la pause, dans la halte primesautière des rappels revivifiants. Dans mon sang des cellules rouvrent des chutes anémiques que l’invariable et le stationnaire ignorent. Les ombres relèvent la tête, et les pierres amassées sur nos corps sont traversées par une lumière qui nous rapproche.
Qu’advient-il du froissement des esprits lorsque s’émiettent les murs de l’absence ? Notre volonté a-t-elle franchi les étapes du temps sans se briser mille fois contre les parois du manque ?
La réalité est venue entre-nous déposer ses écailles séchées. Un pain rompu traîne sur notre table. Une simple chaleur nous sépare. Et pourtant, le feu a tonné comme la foudre. Toutes les heures sommeillantes ne se remplissent pas de ce prolongement indéfini. As-tu senti ces éclats de vent frappant nos cœurs à coups de marteau ? Un soleil boudeur se tait dans la proximité de nos enfances. J’ai renoncé à savoir où iront dégouliner les étoiles dételées de l’immense trou qui me fait face. Un goût de fer sur la langue, j’apprends à ressouder les mots sous l’enclume du temps. Les herbes qui se sont dressées entre-nous devront s’aplatir comme l’on s’agenouille devant la fatalité.
Le feu n’est pas éteint ! Autour de nous, la campagne déchirée fulmine.