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LA COLLINE AUX CIGALES
24 février 2012

J’ai déculotté l’absence.

NuIl n’y a pas d’abris à la tempête. Je ne connais pas de désert que l’absence errante n’est déjà décortiquée. Il m’aura fallu du temps pour manger la mémoire, pour dévorer ses muscles. J’ai dû m’approcher si prés du chaos que j’en conserve une trace sombre sur le coin de la lèvre. Je n’ai cependant pas tout oublié, j’ai reconstruit le passé à la mesure de ce que je suis. J’ai longtemps pourri dans l’estomac du souvenir. Aujourd’hui, j’habite la solitude souveraine. Les mains tendues que tu vois encore ne sont plus que celles de mes rêves. Avec lui tout est permis ou presque. Toutes les dédicaces du temps sont des étrangères que je croise encore. Mais aujourd’hui, le souffle se limite à son propre champ.

Dans tes yeux, je suis vivant. Dans ma voix, tu résonnes comme une source claire. Le cri est sorti, il est parti se repaître ailleurs, sur d’autres sommets, sur d’autres lieux d’échos déchirant le ciel. Je suis le vagabond vêtu d’algues. Je suis habillé du crachin marin qui déambule au fond de tes couloirs, les soirs d’ivresse et de tourmente. J’ai retrouvé le cri primal qui cognait aux étoiles. J’ai baptisé mon nouveau chemin des fleurs qui poussent dans le désordre de l’ennui. La roche de ta statue s’est écaillée, les graviers amoncelés ont été fouettés par le vent. Je me recueille tout proche du diamant du silence. Nous sommes très exactement là. Et maintenant, sous tes doigts, la fratrie nouvelle chante comme un coq au levé du jour.

Nous nous tenons debout, là où tout est abandonné. Il est des jours où j’ai ton cœur dans ma bouche. Il est des heures où ma voix chante comme la lune que tu as accrochée au-dessus de mon océan d’étoiles. Une surprise nous attend plus loin dans son étui de papier mâché. L’ébahissement se construit dans la moelle poivrée du désir avide. Au cœur du lien indéfectible. Toi et moi marchant sur l’immensité d’un toujours. Toi et moi contrits, traînant ensemble le miel accablant de nos isolements.

La joie est une trêve. Ecrire pour retrouver une relation perdue c’est transporter l’ombre sur son dos pour l’accompagner doucement vers les portes de l’éternité. Un moment on croit pénétrer son âme avec la lumière des cathédrales. Mais, jamais on ne sait qui de l’âme ou de la lumière nous invite à repenser le fondement de soi.

Tes mains s’ouvrent comme une pile de draps restée dans l’armoire odorante d’une enfance campagnarde. Quand la nuit parle à voix basse, je vois sur les murs de ma chambre les ombres que fait la lune à demi ouverte. Et, je reste devant la fenêtre à contempler le ciel comme s’il renfermait toutes les nuits dans ses bras. Je me raconte à toi et mes os se replient comme une mer se rétracte sur elle-même.

L’évidence arrachée aux nuages qui la cache éclaire mon visage. Quelque chose est là qui me parle. La nuit s’accorde à mon pas et je marche dans le silence comme une pendule désenclavée au ronronnement du temps. Toutes les majuscules de l’heure se sont éteintes. Qu’y avait-il avant le mot ? Une humeur, un son, une ode d’anges poisseux ? La page blanche est aussi blanche que ta silhouette. Le blanc absorbe le mouvement des mots que je voudrais te dire. Le blanc vide les mots disponibles. Dans l’instant immobile, le vide ne cesse d’agir et ma parole prend fin là où renaît ta rosée, transparente comme l’eau de mon cœur. Nous restons unis dans le brouillon des brumes. Une voix plus haute que la mienne vient lécher la place que tu occupes encore.

Le mot te cherche, t’approche, fleurit et s’éteint dans la perte. Je te repense dans la couleur de mon sang, mais le froid envahit toutes les ombres qui dansent entre mes lèvres.

Ma langue est dans la mer, ma parole s’enroule dans la vague, les mots se dissolvent dans l’immensité de la masse où tout se perd. L’eau glisse sous mes paupières conservant dans leurs mailles fines encore un peu de pureté, un peu de toi vivante. 

Mais, le mot est déformé par l’impuissance de la nostalgie. C’est comme s’il fallait pleurer à gros sanglots pour dire l’amour le plus simple. Les mots ne savent pas combler le vide. Au contraire, ils y participent. Ils contribuent au décapage des émotions entartrées, ils prennent part au dégonflage de la baudruche mélancolique, ils sont comme des bûches sèches assistant l’incendie qui ruine les faux décors de la conscience.

Les mots se dépensent autant que les neurones souffleuses d’amères prières : en vain. Sur chaque page blanche, la marge s’ouvre au vide béant des seules absences qui puissent être comblées : la pénurie laisse briller le cristal de roche et je te vois encore dans ses reflets.

La joie est une ordonnance du rêve. Tes sourires invisibles suspendent l’heure aux crochets de derrière la porte comme une écharpe de laine attend l’hiver prochain. Mais, l’hiver où tu es partie, je n’ai pas eu froid. J’ai mangé Noël comme un glaçon. J’ai gercé mes lèvres des treize desserts que tu ne pourras plus goûter. Je me suis saoulé au dégoût des absences mièvres, j’ai dansé avec les ombres chinoises qui décoraient les murs de ta présence. J’ai déculotté l’odieuse mort qui buvait dans mes yeux. Seulement si tu étais vivante, je crois que je pourrais oublier. Aujourd’hui, je mesure la durée du sommeil et la fontaine qui coule dans mon ventre est un rocher sculpté à ta mémoire. Une clarté rouge glisse jusqu’à l’éclat des ombres dépitées. 

La joie est une tristesse accommodée, un fauteuil à bascule sur lequel on peut se balancer légèrement.

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Commentaires
B
Je suis heureux d’apprendre qu’il peut y avoir du soulagement pour des lecteurs. Je crois même que cela pourrait être le bien fondé de mon écriture. Ecrire est si fou parfois.<br /> <br /> Je te remercie pour ce message. Il me touche.
N
Mais comment dire B.<br /> <br /> Plus je te lis, aussi fidèlement que le soleil l'est au jour, plus je rentre dans ce lieu et plus les couches qui me recouvrent se décapitent. Plus la mer s'élargit, plus le sel se dépose, plus mes yeux brûlent et plus ils brûlent plus ils se soulagent.<br /> <br /> C'est inouï...
B
Beaucoup de soi est regard. Il s’agit sans doute de comment on voit les choses et de comment on les interprète. Il est des moments où chaud et froid mélangés ne font pas du tiède.<br /> <br /> Merci de ton passage et de ton commentaire.
P
La joie est une trêve. Ecrire pour retrouver une relation perdue... <br /> <br /> <br /> <br /> le bonheur aussi et l'ecriture pour retrouver ses souvenirs enfuis <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée à toi
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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