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LA COLLINE AUX CIGALES
23 novembre 2011

Ebréchés.

imagesCAU40Z23Toi et moi, nous ne sommes présents que par le détachement qui se révèle à nous comme une puissance de position et d’intention. Dans l’arrachement de mon corps à l’esprit, dans l’écart qui s’obtempère. Que reste-t-il de moi au réel ?

Je suis la désignation de mon absence, je suis ce cadre dans lequel il manque le tableau. « Je pense donc je suis » m’oppose à occuper la peinture de moi-même. Me voilà pinceau sans poils. Un pinceau sans substance, sans objet à peindre. Dévastée par l’usage, ma parenté au monde est prosaïque. Partout où la parole ne sait plus dire, je ne suis que signifiance et regard.

Que d’effervescence dans les volutes d’eau et d’air qui passent. Comme le nuage est simple de sa lampée de fumée. Il y a quelque chose de poreux dans cet arrière goût de baiser. Une langue traîne sur le flanc de la colline. Un cours d’eau serpente parmi les broussailles épaisses de la garigue. 

Qui triera les cailloux spongieux des cailloux imperméables ?

Un caillou grommelle une histoire de caillou. Du vent et de l’eau sur l’arête biseautée. Concassage du schiste des mots. Turbulence de la roche soumise à l’immobilité. Je ne sais pas toujours ce qui m’emporte et encore plus rarement où cela me mène. J’habite le pressentiment que j’exporte jusqu’à l’initiative. Je deviens acte. Je suis acte. Je suis cette naissance bridée dans le moule de l’univers. Une poussière vivante exposée à l’air chaud, une déjection de poussière que l’air répudie.

Une médiation probable est dans ce cœur ouvert que l'inquiétude libère à l’immédiat comme un sursaut. Un bond, un jet, une projection de mes rayures sombre-gris giclant sur toi comme une présence illuminant tes propres vides. L’un l’autre, nous nous connaissons tant de ce que nous ne sommes pas. Nous nous aimons tant de nos manques. Notre événement est toujours au-delà de notre déréliction.

Notre passé est une dette que j’ai portée à l’avenir. Ta bougie s’est éteinte, il me faut souffler à mon tour sur cette mèche bleue. Cette lumière dithyrambique et quelque peu laudative.

Absent de moi-même je crèche dans la nacelle qui surplombe les ronces. La bruine fossilisée à l’intérieur de la parole de l’eau nous parle à bout de souffle de la tempête. Puis une fois encore c’est la mouette qui passe au-dessus de la mer. Le silence indivisible comme l’éclair. L’immense clarté brève du pétard dans le ciel. Nous occupons des pensées sans mots, l’un l’autre dans l’oubli de ce que nous sommes en train de devenir. La sève d’amour épaisse et puissante recouvre les pores rutilants de la rosée sur le trait qui nous sépare.   

Et nous empruntons beaucoup à nos mémoires rêvées pour voir dans celle de l’autre. Aveugles, nous avons néanmoins besoin du toucher des ondes et de la caresse virtuelle pour affirmer à nos consentis l’ordre des choses que nous leur attribuons.

C’est un peu l’enfoncement et toute la nuit mes rêves remuent les pierres amoncelées après la décrue. A quoi bon à présent un corps sur des oursins ?  

Nous sommes des circonstances. Nos îles sont des berceaux interchangeables que nous habitons à l’éphémère de nos conjonctures. Nos douceurs sont des entendements, nos échos des résonances inscrites sur nos miroirs comme des cicatrices singulières où s’efface le pluriel. Ressemblance liquéfiée : une seule eau pour un si grand chemin. Contrefaçon des galets plongés dans notre soupe. Nous mangeons et nous buvons de la pierre. Et, dans le crépuscule où nous plongeons, nous refaisons notre regard.

Les yeux griffés d’air saillant, les cils en pointe, la marmite de fonte gronde sous le feu allumé. Tu remues dans la flamme qui dispose du bleu et du jaune, cette tambouille brûlante où le désir s’accomplit dans le noir. Une source sans nom crépite dans le foyer. Nous sommes une même brûlure. La tourmente, grande consommatrice de soleil, s’est jetée dans le précipice où jadis nous fermions le ciel. Le temps vendange l’auréole au-dessus de la chaleur. Nos cœurs en brûlis s’envolent rejoindre l’infime jouissance qu’il y a à se penser. Nous sirotons à nos âmes la lumière filtrée au tamis.

Ebréchés dans le heurt de nos paupières de cristal, nous avons rallié le compromis de nos sursis à exister. Nous vivons ainsi, l’instant d’une grâce où le miracle roule comme une vague venue s’échouer sur le sable de nos plages qui ont bu à toutes les tempêtes.

Le détachement comme une continuité naturelle. La vie est dans la pierre, la vie est dans la roche. Sous la chair de notre histoire, un squelette égaré tremble encore. D’un instant à l’autre la chute. Les os en bataille jouant au Mikado nécessitant l’adresse et l’habileté de chaque respiration, la ruse de l’apnée volontaire.  

La vie est dans le trouble ; c’est le moment où entre elle et la mort grenaille de toutes parts la déchirure, le couperet tranchant les images lovées dans la pensée caverneuse. Nous apprenons à faire le vide pour qu’une précipitation soit possible. Il nous faut accorder à l’illusion son effondrement et à la réalité son engagement fugitif.

L’illisibilité de tes yeux voilés par l’embrun rappelle sans cesse l’itinéraire perdu, la route sinueuse des langues qui se délient pour conclure et synthétiser les mots dans leur sac à malice. 

 

 

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Commentaires
B
A mon sens : Mieux vaut ressentir qu’affirmer !
C
oui<br /> est-ce que juste ce oui suffit à dire ?
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