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LA COLLINE AUX CIGALES
22 novembre 2011

Je me surviens.

imagesCARNWTMJLa discontinuité et le morcellement, propres à la mémoire, abordent l’inachevé, car rien ne se termine par la conscience des choses et des événements. Tout est « en l’état ». Tout est monologue. Chercher à vivre ailleurs serait pure folie. Dans le tremblé de la mémoire, des résidus d’étincelles portent en eux toutes les identités du monde. La mienne s’y achève à sa source, dans une boucle prodigieuse où le ruisseau est encore brûlant. C’est dans le bouillonnement confus que s’élabore la lie et la semonce des jours remplis d’opulentes ironies et de graciles apostrophes.

 

          L’absence équilibre la solitude au gré de la vie qu’elle fait (re)naître. Quelques gouttes d’essentiel versées sur l’imaginaire débordant, quelques bribes chiffonnées de visages disparus, de lèvres beurrées et confiturées, puis des sourires restés sur le rebord de la fenêtre.

De l’absence s’extrait la part d’inachevé. Des mots venus du lointain escaladent la page blanche. Le liquide opaque de la seringue des heures s’écoule dans la fumée qui précède l’orage. Toute tentative de clarté ignore le brouillard où se cache la mémoire des pas sur la neige encore vierge. Une image retenue, des silhouettes floues roulent sous l’air qui maintient sa pression.

 

          Je suis livré à cette moitié de nuit qui scrute l’inconnu. Mes lèvres tâtonnent les paupières de l’exil. L’errance s’offre, toute entière, aux heures détournées de la droite initiale. A la conquête d’une traversée aveugle où le monde ne semble qu’un filigrane d’apparat. Dans la solitude, on s’improvise. L’heure nous capture. Le hasard croise ses doigts légers en se réconfortant d’ésotériques songes grotesques.

 

A la flèche de l’inappartenance, rien n’est vraiment soi ou à soi. Rien n’est autre qu’une ressemblance recomposée, inventée et profilée dans la macération d’une moulure engluée à l’histoire que l’on occupe. Tous les destins sont effilochés des rages de l’oubli. L’aventure à vivre se calque sur la déraison des évènements. Elle obstrue et sature leurs mariages au temps qu’il faut incessamment suturer pour ne pas disparaître soi-même dans les méandres des chemins sans projets.

Nos solitudes conservent l’empreinte des humanités percluses et maintenues dans le chavirement des ombres glacées. Nos regards amoureux fermentent comme un vin fou dans l’abandon et le renoncement perdurable. Malgré ce qui s’efface, malgré la perte. Un hibou dans la nuit tisse les yeux du jour qui se lève.

Nos actes ne savent rien du courroux qui les active. L'essentiel, s’il en est, voyage dans l’imminence de l’inouï. Non, vraiment, nous sommes seuls sur ce chemin rudimentaire. Chacun arrimé à la désinvolture. Chacun livré à la solitude inextricable dont les refoulements sont autant de gorgées de feu qu’un volcan en éruption.

 

          Nudité ; la vie c’est nu… C’est elle qui nous aborde, et nous saborde. La vie. Parce que nous sommes des êtres nus. Parce que nous cachons et nous taisons nos frissons à l’envers, dans la chair. Rien ne tremble dehors. Tout est incrémenté dedans.

Nus, nous sommes vivants de cette couverture d’étoiles qui crépitent de nos sèves. Nus, nous sommes dévoilés de nos natures primitives et prisonniers de nos formes dans lesquelles nous avons conservé l’ambiguïté de notre éternité à taire les murmures tumultueux de nos espérances.

Nudité. Oui, la vie c’est nu.

Nus de ce que nous sommes, nus de nos vides à tarir, nus de nos prières à découdre l’amertume de nos sacrifices et de nos renoncements. Nos merveilles sont dans l’exploit de nos rêves. Dans la grandeur et la magnificence de l’illusion qui bataille nos réels foudroyés d’abstinences.  

La nudité c’est la rencontre. C’est le lieu privilégié où se recoud le monde. C’est la gloire des profondeurs au service des ailes d’anges. Il n’y a qu’ici, que nous pouvons caresser l’idée de la réconciliation. Il n’y a qu’ici, que nous savons être en dehors de nous-mêmes. Il n’y a qu’ici que la résonance de l’écho peut infiltrer nos ventres, nos cœurs et nos âmes.

Nous ne sommes que cela. Ici et nus.

 

Présent au monde, le réel n’est-il donc plus que cette pensée subjective qui le façonne ?

Il n’y a de lien avec la réalité que les sens patronnés par la conscience. Mon réel est mon monde. Mon monde est ma vie. Ma vie est cette esbroufe de sens que je lui concède. Tout est fantôme et pantomime. Mon esprit devient alors le poème originel dans lequel le monde raconte mon être. Avant de survivre au monde, je me surviens.

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Commentaires
B
Avec grand plaisir, nat. <br /> Ces mots s'élèvent dans les semailles des jours trop lourds pour que le voyage l’allège. <br /> Merci à toi pour cette émotion élogieuse.
N
Un texte à couper le souffle. Je l'avais lu hier et il m'avait transporté dans le silence.<br /> Oui, je suis nu et seul. Je crée le monde; rien de ce qui n'est pas ici est ailleurs.<br /> J'aimerais pouvoir mettre ces mots en lien sur mon blog, avec votre accord évidemment.
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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