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LA COLLINE AUX CIGALES
6 mai 2011

Réécriture.

enceinte_mer_et_oceans_bfa0a1T400Mon cœur est un doigt tendu. Il te désigne.

L’absence se joue de moi dans ce baiser déserté, abandonné. Aux bouts des pontons qui vont se jeter à la mer, l’aventure de nos chairs connaît la décadence. Aux bouts des mots, un équilibre viscéral s’attache aux heures qui s’inclinent puis qui déclinent. Nos lèvres trébuchent, s’enfourchent au pieu dérisoire de l’immortalité (superficielle intemporalité). Pas nous ! Pas nous qui croissons dans l’auge vierge des heures nues.

Chaque élan est un ciseau découpant dans la toile rêche. Chaque rappel de présence siffle l’effarement comme une trompette connaît le souffle sans les doigts. En fait, nous sommes les tablatures d’une orgue de barbarie. Nos musiques s’installent avant même que nous les sachions. Mon amour a mille doigts et autant d’accords. Il joue de la mandoline sans jamais avoir appris. Il voyage sans jamais faire ses valises. Il toque à la porte, même si la maison est vide.  Nous courons le temps alors que l’amour nous offre son éternité. Je n’ai plus peur de ta mort. Je n’ai plus peur du futur qui soulève mon présent. 

Nous sommes des vrillent tourbillonnantes qui veulent pénétrer le fuselage du meilleur. Nous vivons de nos morts latentes, de nos dépôts entartrés sous nos paupières, de nos obstinations à découdre nos langues des hypothèses gratuites. Nous portons le deuil de nous-mêmes et nos cadavres sont devenus des orbites sondant l’inconnu. Il y a toi, puis cette aire où naît le mot, cette olive sans noyau, ce gouvernail enseveli d’algues, cette mâchoire de lumière où se mastiquent le regret.

Nostalgie étouffée au fond de la gorge ton emprise a réduit l’espace des rires. Toute ma liberté d’être se retrouve gangrenée comme cette lune qui tombe du ciel parce que trop lourde, et trop pleine. Elle glisse du ciel et s’effondre comme des étagères trop chargées des livres où sont écrits les mots qui transportaient ton sang jusqu’à ma bouche.

Le ciel n’a plus d’importance, il est lavé de ses étoiles ; il n’y a plus de repères pour les marins perdus. La nuit aussi est tombée, aussi longue qu’une langue de chat, elle ronronne des souffles égarés et lèche le poil des moments solitaires. Plus seul qu’un ciel dépourvu, le lit de ma mémoire ne sait plus que faire des heures cristallines qui viennent frapper sur le tocsin du souvenir.



Ce soir, la résistance s’habillera d’amour. On humectera le garrot de cuir qui entoure notre devenir d’étincelles, et nous irons dormir ensemble sur le lampadaire des mers mortes. L’enserrement étouffera la déception. Le lasso étouffera nos corps et nos cous. Nous deviendrons des poussières, et nous flotterons au-dessus des secousses, et nous brillerons comme des cellules de prison où pénètre un rayon de soleil. Une larme purificatrice se noiera dans les eaux du monde.

Une miette de feu éclaire encore la survie. L’antre chaud où s’échouent les dons d’existence reçoit l’éclaboussure des blés en herbe parés de verts acides. Et, la soif connaît le sel noir des salants bercés par la musique du vent.  



Il faut reprendre souffle. Des milliers d’heures vacantes sont restées dans la brume. Nos gestes sont maintenant des faucilles. Nos regards penchés vers le bas scrutent silencieusement le sol où sont tombés nos étoiles. Le mouvement sarcle encore les vestiges de la mémoire. Des amas d’oubli sont à la dérive. L’éloignement définitif rend coupable l’existence qui n’a pas su relever la tête. La séparation endigue l’étendue ancienne devenue une lande nostalgique. Nos pieds et nos cœurs s’embourbent à demeurer statiques. L’immobilité refroidit nos corps de misère. A ne plus bouger nos mains se sont tendues, désespérées. Le goût des marguerites chiffonne nos gosiers. La tourbe envahissante recouvre peu à peu nos tendresses laisser pour compte.

Ecrire s’atrophie du manque. Ecrire parjure l’hypocrisie du temps qui semble nous conduire à des renaissances factices, à des remords reconfigurés pour apaiser nos souvenirs. Nos solitudes portent le nom de l’autre coincé au travers de nos gorges. Et puis, les mots s’activent à nous éventrer davantage. Ils nous vident comme de vieux sacs remplis d’écume sèche et d’algues pourrissantes.



J’ai beau me forcer, je ne me souviens pas du son de ta voix. Elle est si lointaine. Tu me parles encore et c’est avec ma voix que je t’interprète. Notre chalutier est resté arrimé dans un port invisible, et nous le peuplons de nos fantômes. L’embarcadère grince chaque nuit dans nos rêves dissipés. Le frottement du bois et l’ondulation douce de l’eau laissent s’échapper des bruits qui paraissent venir du fond des cales. Le port est inhabité. Même les poissons et les mollusques sont partis. Seul le bateau laisse supposer une vie antérieure. L’air est humide et se colle au front. Les yeux nous offrent un spectacle de désolation. La notre plus que toute autre. Nous sommes pourtant dans un lieu qui ne nous appartient plus. Nous sommes une image collée sur le miroir. Nous sommes étrangers à nos investigations. 



Nos voix se sont défaites dans la grande nuit qui monte. J’aurai voulu me délester, mais le chagrin pèse un âne mort. Il est un tombeau où demeure confinées les larmes qui le remplisse. C’est maintenant le sarcophage d’une autre vie. Quelque chose de nous se refuse à le quitter. La meule et l’étau broient le noir que nous habitons. Nos peaux sont des écorces polies incrustées au mât écroulé sur la proue.

Nos cœurs moites ajoutent à la scène des clairs obscurs où se cache la déchirure. Ce vieux navire devient le dépôt flottant de nos ignorances. Je l’entends chanter chaque jour de solitude dans mes veines sombres. 

Mes mots sont rentrés dans ma bouche comme une catastrophe. Ma main les écrit sans trembler, pourtant ils vacillent et font s’écrouler le monde qui m’entoure. Je ferme les yeux et sous mes paupières un peu lourdes naissent des paysages extirpés des ténèbres. Des papillons jouent prés d’un tronc échoué sur la plage déserte. Des mouettes crissent sur le ciel devenu une ardoise. Un chien errant cherche un repas possible.

Tu n’es plus là.



A mourir de la souffrance, nous mourons en pays étranger. Le pur jaillissement est une énigme. Le langage se perd dans les cerceaux surréalistes, et nos langues prêchent l’inexprimable qui se distingue dans les fourrages de l’intuition. L’instinct est alors lettre de noblesse gueuse qui voudrait supprimer toutes faiblesses, alors que tout n’est pas bon à guérir.

Une fièvre illimitée fragmente le temps en copeaux d’innommables feux, et je vivrais malade de toi plutôt que sans douces folies. 



Le recommencement démarre ici.

      Jouons de la guitare sans corde

           Mimons la farandole des lacets de l’heure

                Ecrasons-nous les orteils sur le présent de nos ombres

                     Ton œil, plus haut que tous les autres.



L’aube à peine se dénoue et déjà tes yeux sont des soleils.

 



Je suis le dernier. Je promène encore dans le chlore de notre bassin. Un jour j’aurais femme_nue_peinture_blanchebu toute l’eau. Un jour la providence quittera ce dialogue, le nez dans le buisson. Je suis le dernier et seul. Un jour le bouillonnement de mes cellules crèvera la bulle douce qui me hisse de l’enlisement. J’ai reconnu l’enterrement du monde dans les yeux des hommes. La fatalité est un complot et chacun cherche à sortir. Chacun cherche une issue. Mais tous les chemins ramènent à la bergerie, à l’étable des naissances où se relient et se croisent d’autres chemins, d’autres routes, d’autres sentiers. Et personne ne sort. La multitude nous écrase. Toutes les portes s’ouvrent sur d’autres portes.



Depuis la première heure versée, depuis nos départs enchevêtrés et mon retour invincible, le crépuscule crépite comme une fontaine d’échos. Et je vais chercher dans chaque nuit le tremblement qui s’échappe de ton silence.



Dans l’effervescence du souffle ma voix rampe jusqu’à ta source. Elle est si petite, si minuscule, qu’elle est transparente. Presque inaudible. Presque un ver à soie tissant dans la pénombre un fil finement dentelé. Le dernier encombrement. Nous renaissons, je l’entends. Nous arrivons par la cicatrice et nous la recouvrons. Nous avons déjà dormi si longtemps sur nos lèvres qu’elles sont devenues les embarcations funéraires sur lesquelles on dépose les corps inanimés que l’on pousse de la berge pour les laisser calmement dériver vers l’éternité. 



Nos empreintes anciennes se sont reconverties. Nos langues sont rouges. Nos yeux voilés, nos poumons émaciés. Le sel sort de l’eau et s’évapore dans une longue fumée blanche qui va rejoindre les nuages. Nos prénoms sont des voyages que le vent berce doucement et nous disparaissons derrière les lunes intemporelles.



Nous avons conservé de nos impossibilités à nous vivre la douleur du givre qui empêche les volets de se fermer. Nous incarnons la respiration épuisée et l’étouffement de la passion qui serre comme un étau. Nous enfantons l’oubli sans perte et sans reste, et il nous restitue ses miettes d’heures froides. Nous sommes des toiles peintes par l’éphémère de l’instant. Nous sommes des parfums d’ivresse tamponnés à la face de l’amour qui s’attarde. Nos visages sont l’empreinte des jours qui dévalent nos pensées. Le ciel, tout entier, est un immense ragoût. Nous habitons désormais la farce qui accommode les bouchées de la mémoire. Et, nous sommes percés, fendus, perforés. Nous sommes les écumoires de nos vestiges. Nous sommes les débris immobiles des mouvements anciens. 



Je suis le dernier de nous deux à serrer la poitrine de la mort dans mes bras. Je suis seul à longer les pointes saillantes qui entourent ta silhouette devenue la bogue d’une châtaigne. Chaque serment fait à la vie agrandit notre mort. Chaque promesse d’amour béatifie le manque que nous avons ressenti. Derrière nous, les pinèdes ont laissé place à des incendies. Derrière nous, les roubines ont tari, et le lait a été replacé par le feu. Nos berceaux ne sont plus que des cendres éparpillées par le Mistral.

L’amour ne sait pas adhérer au vide. Il s’est d’abord recroquevillé dans la position fœtale puis il a explosé comme le font les étoiles à la fin de leur vie. Le vide nous l’avons intériorisé avant de le recracher pour désengorger la lumière.

L’air que nous respirons a déjà servi et il resservira encore. 



Il ne reste plus rien du passé. L’avenir s’y conjugue sans savoir. La conscience a déserté. Le néant soudoie les valises et déleste intégralement. Même nos os n’ont plus la même signification. Chaque fois que je te réinvente, je réinvente en même temps tout le monde qui va avec. Je réconcilie le temps en une seule histoire. Le temps claustrophobe de lui-même. Le temps de l’abandon réitère la rupture sortie de sa gangue.

Je ne veux pas faire l’économie du gaspillage. Je ne veux pas voir les traits abstraits des horizons qui sucent la vie pour l’amener à la nuit noire. Je veux donner à l’espoir toute l’abondance des siècles de chimères. Tu seras nymphe dans ma maison sans chemin. Le fleuve qui m’irrigue n’a pas de clôture. Et lorsque le silence crie l’effroi qui le fige, je fais pousser du blé dans la bouche de mes rêves.  



Mon cœur est un doigt tendu. Il te désigne.

Je ne suis plus avide des trop pleins d’humanité qui m’ont transbahutés jusqu’à toi. Nous n’avons rien à faire ici ou là-bas. Nous avons lévité. Nous avons transposé nos cœurs de la fulgurance de l’éclair à la poudre extatique qui se fond sous nos paupières. Maintenant, nous pouvons nous absenter car nos déserts nous les avons livrés aux plantes qui poussent le ciel vers d’autres ciels.

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Commentaires
B
Merci, Sedna. Puissions-nous encore nous abreuver de cette bonté que tu manifestes avec élégance.
S
Tes mots meublent l'absence. Ils sont oasis dans le désert et je viens aussi m'abreuver à ton eau.
B
Oui, Nath : réécrire. Réécrire et être à la recherche non plus de la définition exacte mais d’un senti parler, d’un senti parlant. On peut toujours penser que tout a déjà été écrit, et de belles manières. Mais rien ne peut préciser notre propre souffle aussi bien que notre propre tremblement. <br /> Alors, laisser faire la chair qui grogne à l’intérieur de nous et réécrire sans cesse l’alphabet jusqu’à toucher par le frisson celles qui nous soulagent et nous témoignent tout à la fois.
N
Il faut parfois sarcler l'écriture comme on sarcle un jardin, pour donner de l'air et de l'espace aux fleurs qui y vivent...<br /> Ou alors, l'écriture est comme un jeu de mikado, on lance les mots et avec la baguette de bois qui reste, on déplace en tentant de ne rien faire bouger, si ça bouge , on recommence jusqu'à trouver la baguette en or...<br /> Ou alors, comme un jour me disait un ami poète, garde tes brouillons et relis les beaucoup plus tard, tu verras comme beaucoup de ce que tu as écrit cachait à ton insu l'essentiel de ce que tu as à dire...et qui va apparaître en trois mots, devant tes yeux.<br /> Ou alors, l'écriture est une bobine de fil qui se déroule dès qu'on tire un mot qui en traîne un autre, puis encore un autre, l'étonnant étant l'ordre qu'on peut y trouver...<br /> <br /> Ou alors, ou alors,<br /> Faire comme tu le fais, réécrire , reprendre un chemin parcouru et déployer là sous nos yeux l'essentiel d'une renaissance.<br /> <br /> J'ai beaucoup aimé B. cette réécriture, je me suis encore beaucoup assise au coeur de ces phrases qui portent en elles une sorte de petit miracle vivant, c''est à dire...l'Amour.<br /> Merci<br /> Nath
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