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LA COLLINE AUX CIGALES
28 avril 2010

Fait de tous les hommes.

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Engloutis, parce que nous sommes des êtres engloutis…

S’il fallait dire tout le passé, s’il fallait laisser parler toutes les histoires enregistrées, nous ne serions que des échos d’un silence transporté comme des marchandises qui se consomment. S’il fallait nous dire comme des chapelets récitant chaque petite mort où s’éventre une part vivante de nos faits et gestes, nous ne saurions pas nous extirper à nos craquements et à nos friches imbibées du fatras de nos boursouflures.

De la nuit des temps jaillirait sans doute de l’eau et du sel. Mais ici, il s’agit seulement de l’éblouissement resté prisonnier dans la déchirure du noir profond. Mais ici, il s’agit seulement de l’étourdissement des mémoires empilées telles des images de fortunes dans l’encombre des mouvements. Mais ici, la mémoire distille ses étourdissements à revoir et à recevoir les pigments d’iode amoncelés dans les ombres. Dans ces ombres où s’incise et se débride le clair-obscur découpant l’air aux couteaux des souvenirs, catapultant des chapitres d’existences accumulées et restées submergés par la peur et l’effroi de la plainte. 

                              

En moi flotte une ligne d’horizon gisant et déchiré sans cesse, comme une feuille légère, comme une chrysalide de cristal ébréché, comme une exérèse qui n’en finit pas d’exprimer son rejet. Et ma main, et mes yeux, et mon cœur se trouvent attachés, liés aux sévices des ruptures affectives qui nous laissent dépourvus de toutes choses et nous percent comme des toiles fines et fragiles. Ici, l’écorchement est incommensurable. Il survit à la faille et au précipice qui le borde.

Pour toi, j’ai inventé la mémoire où tiennent les murs qui encerclent la durée. Pour toi, j’ai inventé une parole, celle qui offre à la solitude les moyens de faire savoir à la vie ce qui se cache dans l’isolement.

Mais je n’ai pas trouvé les mots enfouis dans la glaise temporelle, dans les méandres d’un temps révoqué où tout a fui dans le vide. Et me voilà sans rien d’autre qu’une voix muette pour te dire ma présence accrochée aux plafonds de nos mers, à la surface des eaux qui grondent la tempête de l’origine tumultueuse du monde dont l’empreinte demeure malgré soi, malgré nous, comme un souvenir inaltérable.

   

Aujourd’hui encore mon sourire est la grimace des conciliabules que tiennent mes soliloques dans leurs lieux incertains. Seuls, des fragments de confiance livrent encore spontanément des élans vers l’extérieur de ma carapace de chair. Dans ces mouvances incoercibles demeurent les bribes fragiles du feu où je bois. Je m’incarne de l’ombre où sommeille le perdu et j’aime la vie dans sa perte. Je ne retiens rien qui ne sache durer la seconde où se cache l’éternité. Je m’engloutis de ce que je suis.

Oui en effet, il faudrait pouvoir ni fuir, ni lutter, ni subir, lorsque le démon de l’ataraxie nous poursuit. Et puis l’amour est un sentiment si étrange, si prégnant de son parfum à embaumer les îles perdues et solitaires. Il conduit à la tentation du meilleur en d’extatiques sursauts et nous projette comme des lumières sur une cible sans fond.

C’est dans ce torchon de noir que nous nous éclairons mutuellement… jusqu’à la transcendance du chaos, jusqu’aux scintillements de nos illusions les plus tenaces. Que ne voyons-nous pas de nos misères, de nos tourments et de la jubilation volontaire qui nous métamorphose ?

Tant de choses en nous germent et concourent à nous discréditer du réel qui nous habille. L’immobilité est parfois rampante, proche des peaux, et elle force le déséquilibre à nous faire chuter de nos paralysies. De nos ébranlements nos mâchoires ne saisissent qu’une sensation vide, volatile et indéfinissable. Ce vide qui nous remplit comme des amphores et où le cogito se noie, n’est-ce point le carrefour de la perte et de l’abondance réunies dans les bras de la vie ?

Etranges sensations cette emprise ténue nous dévoilant jusqu’à nos incapacités, jusqu’au noir profond des gerçures que nous transportons comme des dromadaires dans des déserts ivres de sécheresses, des lieux inoculés aux raies blanches des lumières fracassantes. Est-ce une brume protectrice à l’insolation tragique de l’existence ?

Quoiqu’il puisse en être, je viens ici te témoigner, ô mon cœur, toute l’ambivalence et toute l’ambiguïté de ces registres à vivre. Car, tu es mon désastre indispensable, car tu es le sous-bois où se perdent mes mots et ma raison veuve devenue une guillotine.

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Commentaires
S
Dans le sous-bois de la tranquillité, poussent les germes de nos désespérances et finalement, leurs effluves nous maintiennent en vie.
M
...
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