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LA COLLINE AUX CIGALES
20 novembre 2007

- Critique anonyme -

Fragments posthumes sur l'Eternel Retour de Friedrich Nietzsche

C’est à la suite de la lecture des commentaires de Luc Ferry sur Friedrich Nietzsche (dans Qu’est-ce qu’une vie réussie ?) qu’il m’est venu l’envie de revenir à Nietzsche et surtout à cet Eternel Retour, point pseudo-mystique de la philosophie du penseur fou. Moi qui détestait Nietzsche et le vouait aux gémonies (Accabler de mépris), si l’on m’avait dit qu’un jour je serais conquis par sa pensée, j’en aurais bien ri. Mais Ferry a su tellement bien traversé 41W05YVENQL__SS500_les brisures de ses écrits pour en tirer une parole centrale que j’en ai été retourné.

Comme l’explique le descendant du grand Jules, Nietzsche a donné naissance à une philosophie de la vitalité, de la libération des instincts, de la joie, qui est totalement opposé à toute forme de nihilisme (Doctrine selon laquelle rien n'existe au sens absolu), c'est-à-dire de transcendance – comprendre par là que rien n’est plus important que la Vie, aucune cause ne mérite que l’on se batte ou meure pour elle, qu’il n’y a rien qui fasse sens dans le monde, que tout est pur continence, pur hasard et que, d’ailleurs, la volonté n’existe pas, pas plus que le libre arbitre et que la seule bonne vie qui fusse soit celle intense, celle dans laquelle nous sommes prêt à concevoir un mouvement cyclique du Temps, à accepter qu’à jamais, une éternité même, nous revivions ce moment. Ainsi est l’Eternel Retour, qui n’a rien de religieux dans le propos, même si Nietzsche n’a pas su éviter de parler de ce concept de nouvelle religion.

Dans ce petit recueil qu’est Fragments posthumes sur l’Eternel Retour, dense à lire, les éditions Allia ont été réunis l’ensemble des fragments du maître ayant traits à cette doctrine. On ne vous mentira pas : lire Nietzsche demande une grande concentration, une culture et un esprit solide et surtout, d’avoir lu une introduction à l’œuvre sans quoi il est im-po-ssi-ble de comprendre quoi que ce soit à Nietzsche.

Ici, le penseur allemand révèle l’instant tragique de l’Eternel Retour, couronnement de la Volonté de puissance : le nihilisme est en train de perdre le Monde ; en cela que les idées communistes contiennent en elles le germe de la folie, l’idée d’égalité entre les Hommes étant impossibles ; quant au Christianisme, après avoir bâti une civilisation d’une grande puissance, et donné naissance à des quasi surhommes (comme Napoléon), voilà que sa Volonté de puissance s’effondre et que toute la masse de force qu’elle a concentré s’étiole : dire que Nietzsche et seul contre tous, en plein positivisme, avait compris le désenchantement du monde causé par la science aidant, et que notre culture allait s’effondrer ! : l’Eternel Retour permet de sortir de cette impasse nihiliste en instaurant une idée d’une grande simplicité et d’une grande pureté. « Toi, semble dire Nietzsche au lecteur, es-tu prêt à revivre éternellement le même moment ? » Voilà la façon habile qu’il a imaginé pour sortir du nihilisme. Il s’agit d’accepter l’idée que le monde est composé de Forces, tout comme l’individu mû par sa Volonté de Puissance, cet Instinct de Vie : l’Eternel Retour se pose comme le moment où le silence se fait, comme si l’on pouvait figer le temps autour de soi et où se concentre une incroyable quantité de puissance.

Mais Nietzsche va plus loin car il estime qu’éternellement, le monde recrée les même conditions propices aux actions et donc, mieux vaut que l’Homme ne s’inquiète pas de la fatalité ou des contingences : la causalité n’existe pas, le hasard est tout : l’Homme n’a aucun moyen d’action sur le Monde l’entourant autre que lui-même. Attention ! Pour Nietzsche, il ne s’agit pas de la répétition des mêmes événements (ce qui impliquerait un fatalisme complet puisque quoi que fasse l’Homme, les choses ne pourraient évoluer), mais du même type d’événement, ce qui implique une toute autre posture, à savoir que l’Histoire se répète en apparence, mais pas dans son sens profond. Et l’Homme a donc le devoir de vivre le moment présent, le seul instant vrai et authentique, le « maintenant » sans tenir compte du passé ou de l’avenir, abstractions de l’esprit induites par une conception erronée du monde, ni se reposer sur la morale ou la religion, mensonges destinés à domestiquer ses instincts et son être. (servitudes)

Une langue complexe et difficile devra être décryptée par le lecteur qui ne pourra compter sur les notes de fin de volume, quasi incompréhensibles pour la plupart ! On apprécie par contre l’introduction et surtout la postface qui explicitent considérablement la lecture de fragments et d’aphorismes qui, à l’instar des éclairs, zèbrent le ciel de notre conscience pour nous révéler des instants de vérités tragiques.

Allia, 6,10 euros.

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